La bataille de Fariskur

La bataille de Fariskur

 

X, 53

 

2216

 

Les trois pelices de loin s'entrebattront,

La plus grand moindre demeurera Ă  l'escoute :

Le grand Selin n'en sera plus patron,

Le nommera feu peltre blanche routte.

 

Selin

 

Ici, comme le dit Elisabeth Bellecour, Selin peut désigner Saint Louis (Nostradamus trahi, Laffont, 1981, p. 97).

 

"pelices"

 

Les Beduyns ne demeurent en villes, ne en cités ; n'en chastiaus, mèz gisent adès aus champs ; et leur mesnies, leur femmes, leur enfans fichent le soir de nuit, ou de jours quant il fait mal tens, en unes manieres de herberges que il font de cercles de tonniaus loiés à perches, aussi comme les chers à ces dames sont; et sur ces cercles getent piaus de moutons que l'en appelle piaus de Damas, conrées en alun : les Beduyns meismes en on grans pelices qui leur cuevrent tout le cors, leur jambes et leur piés. Quant il pleut le soir et fait mal tens de nuit, il s'encloent dedens leur pelices, et ostent les frains à leur chevaus et les lessent pestre delez eulz. Quant ce vient lendemain, il r'estendent leur pelices au solleil et les conroient, ne jà n'i perra chose que eles aient esté moillées le soir (Histoire de Saint Louis, roi de France, par Sire de Joinville, 1822 - books.google.fr).

 

C'est en 1250 que Joinville va avoir l'occasion de rencontrer des pillards bédouins, qu'il décrit au paragraphe 248, ainsi résumé par Jacques Le Goff :

 

Après la bataille, les Bédouins viennent piller le camp sarrasin, et Joinville, plus curieux sans doute que Louis, mais qui veut aussi, en s'informant, instruire le roi, fait une longue digression sur ces pillards, différents des Sarrasins et plus frustes qu'eux.

 

La première vision qu'en a le jeune combattant franc est donc plutôt négative. Mais l'intérêt porté par Joinville à la religion et aux mœurs des Bédouins dans les deux paragraphes suivants va contribuer à nuancer ce premier jugement :

 

Les Beduyns ne croient point en Mahommet, ainçois croient en la loy Haali, qui fut oncle Mahommet ; et aussi y croit le Vieil de la Montaigne, cil qui nourrit les Assacis (Les littĂ©ratures europĂ©ennes et les mythologies lointaines, 2006 - books.google.fr).

 

Les BĂ©douins se distinguent des autres Sarrasins par leur croyance car, comme les Assassins, ce sont des chiites.

 

"trois" (mille) ?

 

Au cours de la bataille de Fariskur en 1250 qui suit celle de Mansourah, il est question de trois mille bédouins chargé de tenir en échec le duc de Bourgogne devant envoyer du renfort au roi dans la bataille (fr.wikipedia.or - Bataille de Fariskur, Richard de Bury, Histoire de Saint Louis, Roi de France, 1835 - books.google.fr).

 

"moindre... escoute"

 

Le grand resterait Louis IX.

 

En avril 1250 à Fariskur en Egypte, les guerriers templiers font face aux guerriers musulmans en nombre supérieur.

 

On disoit Escoutement, adv. Secrètement, à la manière «asseoir les escoutes» pour poser les sentinelles, des espions, des escoutes (La Curne de Sainte-Palaye, Dictionnaire historique de l'ancien langage françois: Esci - Guy, 1879 - books.google.fr).

 

Juste avant l'attaque des 3000 bédouins, le roi eut des informations de ces "espies" dans le camp ennemi que celui-ci attaquerait le vendredi (Histoire de Saint Louis, roi de France, par Sire de Joinville, 1822 - books.google.fr).

 

"entrebattron"

 

Joinville ajoute que les bédouins ont les cheveux longs ainsi que la barbe, et qu'ils sont presque tous laids et hideux à regarder, ce qui paraît tant soit peu exagéré pour ceux qui les voient maintenant. Ce que le bon sénéchal ne pouvait pardonner à ces Arabes nomades, c'est qu'ils pillaient tour-à-tour les chrétiens et les musulmans; ils ne s'épargnaient pas même entre eux, ce qui lui faisait dire qu'ils étaient de la nature des chiens, lesquels, sitôt qu'ils voyent un des leurs battus par d'autres, se mettent d crier et se jettent tous sur lui (Jean-Joseph-François Poujoulat, Correspondance d'Orient (1830-1831), 1841 - books.google.fr).

 

"peltre" : Ă©tain

 

Peltre, paille/paillasse ou étain ou gouvernail (Alphonse Bos, Glossaire de la langue d'oïl, (XIe-XIVe siècles), 1891 - books.google.fr).

 

Le vieux français piautre, peautre «étain», le dauphinois palpro, pelpro , le provençal peltre, peutre, l'italien peltro, l'espagnol peltre (Bulletin de la Société d'études des Hautes-Alpes, 1937 - books.google.fr).

 

"blanche routte"

 

Il existe une ville du nom de Cheriat al beida (la route blanche) près de Bagdad (Enciclopedia universal ilustrada europeo-americana, Tome 17, 1920 - books.google.fr, Théodore Parmentier, Quelques observations sur l'orthographe des noms géographiques, 1878 - books.google.fr).

 

"Sheriat el Beida" ou "Sheriat el Beytha" à une dizaine de kilomètre de Bagdad au nord-est sur le Tigre (Wilhelm Nitsche, Anabasis de Xenophon, Buch I - III, Volume 1Anabasis: Buch I - III, 1873 - books.google.fr).

 

"feu" et Ă©tain

 

Indispensable Ă  la fabrication du bronze, l’étain provient de deux sources principales, l’une occidentale (Grande-Bretagne) et l’autre orientale (monde malais), auxquelles correspondent les deux termes employĂ©s en arabe : qasdir (du grec kassiteros «l’étain», qui a donnĂ© leur nom aux Ă®les CassitĂ©rides) dĂ©signe l’étain de Cornouailles ; kala’i est employĂ© pour l’étain malais. Les Anciens connurent de petits gisements de cassitĂ©rite sous forme de veines dans des roches granitiques. Rarement des veines d’étain pouvaient voisiner avec des mines de cuivre - on ne trouve jamais Ă©tain et cuivre dans la mĂŞme veine. Les premiers mĂ©tallurgistes en fondant ensemble les deux minerais obtinrent du bronze avant d’avoir su les allier dĂ©libĂ©rĂ©ment, rĂ©sultat auquel ils arrivèrent peu après 2500 av. J. -C. Dans l’AntiquitĂ© l’étain de Grande-Bretagne gagnait la MĂ©diterranĂ©e sur des bateaux phĂ©niciens jusqu’à Gadès, ou bien il Ă©tait transportĂ© jusqu’à Marseille et Narbonne Ă  dos de chevaux ou par les fleuves : Loire, RhĂ´ne et Garonne ; ou encore par les cols des Alpes, la vallĂ©e du PĂ´ et l’Adriatique, il atteignait le bassin mĂ©diterranĂ©en. Au VIIIe siècle, Bède le VĂ©nĂ©rable fait encore Ă©tat de ces exportations. Au XIIIe siècle, l’auteur magrĂ©bin Ibn Sa’id dĂ©crit la route de l’étain et du cuivre anglais et irlandais jusqu’en Égypte par Bordeaux (Burdal), oĂą ils Ă©taient troquĂ©s contre du vin, la Garonne, Toulouse et Narbonne. Aux IXe et Xe siècles l’étain s’exportait par la Gaule du Sud vers l’Espagne musulmane. Aux Xe et XIe siècles, les tonlieux des villes d’étapes attestent le passage de l’étain et du plomb sur les routes des cols alpins, en direction de Venise qui les expĂ©diait dans le monde musulman. Le commerce anglo-saxon portait l’étain directement par mer vers l’Espagne musulmane en mĂŞme temps que les fourrures du Nord et les esclaves. Les mĂŞmes routes que dans l’AntiquitĂ© restent donc en usage pendant le Moyen Age : route de l’ocĂ©an, route par les fleuves Ă  travers la Gaule et route par les cols des Alpes vers l’Adriatique. L’étain oriental profite, Ă  l’époque musulmane, du dĂ©veloppement du commerce de l’ocĂ©an Indien et de l’Asie du Sud-Est. Cet Ă©tain de «Kalah», atteint les ports musulmans du golfe Persique et de la mer Rouge ; l’Égypte marque les limites de sa desserte. C’est avec cet Ă©tain (Rasas Kala’i) qu’était fait le grand bassin poli, plus brillant que l’argent, de 30 coudĂ©es de long sur 20 de large (15 m x 10 m) alimentĂ© en eau par une conduite Ă©galement en Ă©tain, signalĂ© près du Firdaus, le «Paradis», palais des califes de Bagdad, et qui devait orner le centre du nouveau kiosque (al-Jawsak al-Muhdith) au milieu des jardins. Mais on peut se demander si les ouvrages semblables signalĂ©s en Égypte sous les Fatimides Ă©taient composĂ©s d’étain malais ou d’étain anglais, car ce dernier parvenait aussi jusqu’à Alexandrie. D’une façon gĂ©nĂ©rale, l’étain, mĂ©tal trop cher, Ă©tait rĂ©servĂ© Ă  la fabrication du bronze et les rĂ©cipients en Ă©tain, parfois mĂŞlĂ© de plomb, sont de caractère exceptionnel. Comme les pots chinois en plomb ils Ă©taient censĂ©s possĂ©der des vertus mĂ©dicinales (Maurice Lombard, Les mĂ©taux dans l’Ancien Monde du Ve au XIe siècle, 2001 - books.openedition.org).

 

Le franciscain Guillaume de Rubrouck a été envoyé par saint Louis auprès du grand khan Möngke parce que les Mongols auraient pu être des alliés des rois chrétiens contre l'Islam. Cet espoir sera déçu car, avec Berke (1257-1267), frère et successeur de Batu, puis Üzbek, khan de 1313 à 1341, les mongols de ces régions (la Horde d'Or) se convertiront à l'Islam

 

À l'instigation de son frère, le grand khan Möngke (Mangu), Hülegü s'efforce d'abord de reprendre en main les territoires au sud de l'Oxus qui, depuis la mort de Gengis-khan (1227), ont échappé au contrôle mongol. Après avoir brisé en 1256 la résistance des ismaïliens du Vieux de la Montagne à Alamut, Hülegü (1256-1265) conquiert Bagdad en 1258 (www.universalis.fr).

 

Le 13 fĂ©vrier 1258, succĂ©daient aux Turcs les Mongols d'Houlagou qui, bouddhistes, n'avaient guère de raison de respecter la capitale de l'Islam ; ils y mirent le feu, dĂ©truisirent les tombeaux abbassides, jetèrent dans le Tigre les bibliothèques qui en noircicent d'encrer les eaux, Ă©gorgèrent 90 000 personnes, disent les chroniques arabes, avec la tendance Ă  pousser jusqu'Ă  l'entorse Ă©pique les dimensions des Ă©vĂ©nements. Non qu'Houlagou fĂ»t un modèle de clĂ©mence, mais il avait une femme nestorienne, donc chrĂ©tienne, qui avait voix au chapitre politique et obtint de son Ă©poux une grâce particulière en faveur de Bagdad peuplĂ©e de beaucoup de nestoriens. Les historiens arabes oublient de dire qu'en 1258 la ville avait dĂ©jĂ  considĂ©rablement souffert des inondations du Tigre, des Ă©meutes qui dès la mort d'Haroun al Rachid s'Ă©taient succĂ©dĂ©, incendiant les palais, les mosquĂ©es, saccageant les jardins. Avec Bagdad, disparaissait en 1258 l'indispensable trait d'union entre l'Europe et l'ExtrĂŞme-Orient ; les rĂ©publiques italiennes, la papautĂ©, les rois de France tentèrent, avec des fortunes diverses, de rĂ©tablir les contacts directement avec la cour mongole, comme en tĂ©moigne le voyage de Marco Polo durant la seconde moitiĂ© du XIIIe siècle. La dĂ©cadence de l'ancienne MĂ©sopotamie Ă©tait telle que le voyageur vĂ©nitien n'y passa mĂŞme pas au cours de son pĂ©riple. Bagdad reçoit enfin le coup mortel Ă  l'aube du XVe siècle, en l'an 1401, lorsqu'elle est prise d'assaut par les troupes du Turcoman Teymour-le-Boiteux (dont nous avons fait Tamerlan). Le 10 juillet, Ă  l'heure de la sieste, elle est presque entièrement rasĂ©e. Peu de temps après s'Ă©teignait la vie du golfe Persique. La dĂ©couverte de l'AmĂ©rique en 1492 et la liaison de l'Europe aux Indes par le cap de Bonne-EspĂ©rance rĂ©alisĂ©e en 1497 par Vasco de Gama, ouvrent de nouvelles routes commerciales, les fabuleuses routes de l'or Ă  bon marchĂ©, aux ports espagnols, portugais, français et anglais de l'Atlantique. Bordeaux, La Rochelle, Londres succèdent Ă  la gloire de Basrah, de Venise, de Marseille (Pierre Rossi, L'Irak des rĂ©voltes, 1962 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Le report de 2216 sur la date pivot 1250 donne 284.

 

En 284, un général originaire d'Illyrie parvient à réunir l'autorité civile et militaire sous sa main. Ce général appelé Dioclétien impose entre 284 et 305 une vigoureuse réorganisation de l'Empire. Dioclétien porte l'armée entre 450.000 et 600.000 hommes. Il rétablit de puissantes défenses frontalières sur le Rhin et le Danube après avoir mené des campagnes de pacification en terre barbare. Il augmente les flottes fluviales du Rhin et du Danube. Dioclétien crée une importante rocade fortifiée, la Strata diocletiana, pour protéger la Syrie et la Palestine contre les raids des Perses et des Bédouins. Sous son règne est établi une chaîne de forts côtiers et de surveillance navale sur les côtes de la Bretagne pour parer aux raids des pirates saxons.

 

La plus grande réforme entreprise par Dioclétien est le système politique qu'il met en place: la Tétrarchie (littéralement "gouvernement quadripartite"). Ce système calque les nouveaux grands commandements militaires de l'Empire. L'Empire est divisé en deux grands commandements, l'Orient et l'Occident, sous la direction de deux augustes. Chaque auguste a sous ses ordres un césar destiné à lui succéder et chargé d'une sous-région. Ces co-empereurs portent le nom de tétrarques (voyagesenduo.com).

 

Les coptes d'Egypte font débuter l'ère des Martyrs en 284 en raison de la répression de Dioclétien contre les chrétiens qui refusent de servir l'empire en honorant l'empereur.

 

50 ans plus tĂ´t mourait assassinĂ© Alexandre SĂ©vère : cf. quatrain  suivant X, 54 - Jean Estor et Marguerite de Baenst - 2216-2217.

 

Lien avec le quatrain suivant X, 54.

 

Le plus ancien manuscrit des Mémoires de Joinville dont il soit fait mention est celui qui est désigné dans l'inventaire de la Bibliothèque du roi de France Charles V, inventaire dressé en 1373 par son valet de chambre, Gilles Mallet, garde de sa librairie. Ce manuscrit était donc antérieur à cette date que porte l'inventaire, où il est ainsi désigné : «Une grande partie de la vie et des faiz de monsieur saint Loys, que fit faire le sire de Joinville, très-bien escript et historié, couvert de cuir rouge à emprains, à fermoires d'argent.» Ce manuscrit est perdu. Le roi René de Sicile, au quinzième siècle, possédait un manuscrit des mémoires de Joinville, qui fut transporté à Beaufort-en-Vallée, petite ville d'Anjou, où il se trouvait encore au seizième siècle. C'est ce manuscrit qui servit à l'édition première imprimée à Poitiers en 1547, par Jehan et Enguilbert de Marnef frères. Antoine Pierre de Rieux en fut l'éditeur. Ce manuscrit est perdu (Ambroise Firmin-Didot, Études sur la vie et les travaux de Jean, sire de Joinville, Tome 1, 1870 - books.google.fr).

 

Cf. quatrain suivant X, 54 pour la datation.

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