Le Grand Schisme X, 98 2249 La splendeur claire Ă pucelle joyeuse, Ne luyra plus
longtemps sera sans sel : Avec marchans, ruffiens loups odieuse, Tous pesle mesle monstre universel. "pucelle joyeuse" : prostituée Au livre IV de la Franciade de Ronsard, celui de la
magie, la flamme des rites conjuratoires n'est pas encore délivrée du noir
jaunâtre du «salpestre
fumeux». Le flambeau le plus sinistre de la poésie de cette époque est
celui que Du Bellay allume pour symboliser la prostitution : Flambeau puant,
flambeau fumeux Flambeau pétillant
et gommeux, Flambeau oingt de poix et de soulphre Emprunté du stygieux goulphre (Jeux
rustiques, Epitaphe d'un flambeau). Quand cette flamme-lĂ devient incendie, elle donne au
paysage nocturne les teintes sinistres que l'on trouve au chant XII de la
Jérusalem délivrée, quand Ismen et Clorinde mettent le feu à la tour des Croisés : Oh ! Qui dira les
langues de feu qui montent De toutes parts ?
Et l'épaisse fumée Qui trouble la pure
image des étoiles ? Nous trouvons là réunis les deux aspects de la flamme : sa
couleur et sa direction. Dans La Flamme d'une chandelle, G. Bachelard, suivi
par P. Choné, cite un passage de Blaise de Vigenère, inspiré
lui-même du Zohar, sur les différentes couleurs qu'elle peut prendre. Vigenère distingue la couleur rouge, encore tributaire de
la matière, et une lumière blanche qui ne change jamais de couleur et qui
éclaire plus qu'elle ne brûle. Il est facile à partir de là d'opposer la flamme
issue des corps matériels et celle qui n'aspire qu'aux cieux. L'incendie
allumé par Clorinde est d'autant plus infernal qu'il
a été allumé grâce à des «boules de soufre et de bitume», œuvre du magicien Argant. Il n'est pas étonnant dans ces conditions que l'incendie
trouble «la pure image des étoiles», ce qui n'empêchera pas au reste le
spectacle d'être fascinant. Avant de laisser partir dans la nuit Clorinde et Ismen, Argant, resté derrière les remparts, se console de son
inaction en disant: Je jouirai à l'abri du spectacle De la fumée et des
Ă©tincelles ardentes. D'un paĂŻen, peut-on attendre autre chose ? Peut-on
s'étonner qu'il s'intéresse aux couleurs de l'enfer ? Il y a pourtant autre
chose dans les vers du Tasse : l'idée que les scènes les plus effrayantes
peuvent devenir agréables pour un spectateur à l'abri. C'est le Suave mari magno de Lucrèce, associé à la réflexion d'Aristote sur le
spectacle tragique. [...] Vigenère distinguait, en
fait, une flamme qui monte et une flamme qui descend. Et, contrairement Ă toute
attente, c'est la flamme spirituelle, celle de Pallas, de couleur blanche, qui
descend pour chercher la flamme rouge, la flamme matérielle qui tend vers le
haut, afin de l'aider dans son ascension et de la purifier Zohar signfie splendeur. Le Sepher
ha zohar est le livre de la splendeur. La cosmologie de Ronsard est au début celle de son temps.
Il n'a pas connu la révolution apportée en astronomie par Copernic. La
représentation qu'il se faisait du monde est celle que lui donnait l'Imago mundi de Pierre d'Ailly et sa doctrine sur la constitution
de l'univers celle que lui fournissaient les commentaires du Timée et surtout
du De caelo et mundo du
pseudo-Aristote. Mais très vite à ces éléments classiques se sont mêlées des
théories hétérodoxes à tendances panthéistiques et d'origine stoïcienne Vigenère Dans son Traité du feu et du sel, publié en 1628, Blaise de Vigenère accentuait la finesse de cette observation en identifiant deux flammes dans la flamme qui monte: «l'une est blanche qui luit et éclaire, ayant la racine bleue au sommet ; l'autre rouge qui est attachée au bois, et au lumignon qu'elle brûle. La blanche monte directement en haut, et au-dessus demeure ferme le rouge sans se départir de la matière administrant de quoi flamber et luire à l'autre» (Léonard Defrance: l'œuvre peint, 1985 - books.google.fr). Le traité qui porte ce titre fut inspiré à Vigenère par ce verset de saint Marc : «Tout homme (c'est-à -dire l'homme
intelligence) sera salé de feu, et toute victime (c'est-à -dire l'homme
animal) sera salée de sel.» Blaise de Vigenère est né à St-Pourçain en Bourbonnais en 1522. Il était contemporain de Zecaire et de Gaston de Claves. Son immense érudition et
son esprit d'observation le distinguent de tous les alchimistes d'alors
Connaissant non-seulement le grec et le latin, mais encore les langues
orientales, il discute et commente savamment, dans son Traité du feu et du sel,
les textes des philosophes anciens, et surtout le Zohar de la cabale, dont il
paraissait avoir fait une étude approfondie. C'est Blaise de Vigenère qui a découvert l'acide benzoique,
et son procédé est encore en usage dans les laboratoires. Il parait même avoir
eu connaissance de l'oxygène Magie du sel La magie à travers le sel peut aider à la rencontre des
deux flammes de Vigenère. Des rites de la magie amoureuse on passe aisément au
rituel funéraire. Du geste même d'Hyante, amoureuse
de Francus comme Clymène,
faisant jaillir la flamme augurale, Francus boute le feu
au bûcher d'un ami (livre III) et, au livre IV, reçoit de la magicienne des
instructions qui le mettent en posture d'officiant Ă©vocateur des morts : De masle encens et de souffre qui fume Puant au nez tout
le corps te parfume; Ayes le chef de pavot couronne, Et tout le corps de
vervene entourné Masche du sel, et pour quelque lumiere
Qui s'obscurcisse espaisse de fumiere, Ny pour les feux de salpestre
fumeux, Ny pour l'abboy des
mâtins escumeux, Ny pour le cry des
idoles menues Qui sortiront comme
petites nues, Ne sois peureux,
et, sans trembler d'effroy, Ne tourne point les
yeux derrière toy; Car si, craintif,
tu retournes la face, Tout est perdu. Au
milieu de la place Fais une fosse
assez large, où dedans Le sang versé des
victimes respans Tiède, à bouillons,
et tout ensemble mesle Du vin, du laict et du miel pesle-mesle Si que selon le tesmoignage du mesme Aristote, on met de l'eau marine dans les lampes pour
les faire luire plus clair, & iettée dessus la
flamme elle s'allume. En quoy il y pourroit auoir aussi quelque mystere contenu, concernant le feu & le sel & leur
affinité ensemble: Ioint qu'on voit par la que le sel
est ennemy des ordures & immondices; & ne sy veut pas ioindre vny associer, non plus que le feu : qui non vult nisi res
puras, dit le bon-homme
Raymond Lulle Magie L'alchimie a été surtout mise en œuvre dans le Traité du
feu et du sel. A propos de la magie, un auteur dont Vigenère
a lu les Ĺ“uvres, Corneille Agrippa de Nettesheim
(1486- 1535), Ă©crivait en 1533 dans son De occulta philosophia qu'elle "est
une faculté qui a un très grand pouvoir, pleine de mystères très très relevés et qui renferme une très profonde connaissance
des choses les plus secrètes [...] elle produit ses effets merveilleux par
l'union et l'application qu'elle fait des différentes vertus des êtres supérieurs avec
celles des inférieurs : c'est là la véritable science, la Philosophie la
plus élevée, et la plus mystérieuse ; en un mot la perfection et
l'accomplissement de toutes les sciences naturelles, puisque toute Philosophie
réglée se divise en Physique, en mathématique, en théologie" La rhétorique de Vigenère est
une dérivation de son herméneutique ésotérique, qui s'articule en trois
registres analogiques : l'alchimie, déchiffrement du monde élémentaire ; la
magie, déchiffrement de la Nature ; la kabbale, déchiffrement du monde intelligible.
Carrefour, résumé et témoin des trois mondes, l'homme est leur échangeur
central en même temps que leur réciproque déchiffreur, armé qu'il est de
"la parole, fille de raison", et de "l'escriture,
sœur muette de la parole". Contrairement aux théoriciens plus ou moins pneumatistes de
l'Ă©loquence, qui accordent un primat Ă la parole, directement
"inspirée", sur l'écriture,
son reflet desséché, Vigenère privilégie l'écriture,
supérieure à la parole Le genre même auquel appartient la Consolation peut nous
orienter sur les sources de sa pensée. Boèce emprunte au genre de la satire
ancienne ou satire Ménippée l'usage, suivi déjà par Martianus Capella, de faire alterner la prose et, les vers.
LĂ© nom seul apparente la Consolation au genre de la
consolation antique ; en réalité, le personnage de la Philosophie, qui console
Boèce, le dĂ©tourne bientĂ´t de ses malheurs particuliers pour l'Ă©lever jusqu'Ă
Dieu. Nous avons affaire Ă un protreptique. Mais ce protreptique, par la forme
sous laquelle il est présenté diffère radicalement du Protreptique d'Aristote
ou de l'Hortensius de Cicéron, tels que les fragments
conservés permettent de les reconstituer : l'enseignement est donné ici sous
forme d'une révélation, d'une apocalypse. Boèce insiste sur la mise en scène de
cette apocalypse : il se décrit lui-même, couché, qui exprime sa douleur en un
chant dicté par les Muses ; à ce moment lui apparaît la Philosophie, reconnaissable à son vêtement : sa robe porte en haut un
"thêta" brodé, en bas un "Pi" et des échelons
intermédiaires qui désignent les degrés par lesquels on s'élève de la
philosophie pratique à la théorique ; elle congédie les Muses et promet à Boèce
de le conduire à la lumière en lui rappelant ce qu'il a oublié. Cette mise en
scène apocalyptique dont les origines sont anciennes, pour ne citer que le Poimandrès d'Hermès Trismégiste ou le Pasteur d'Hermas,
paraît jouir d'une faveur particulière dans les milieux néo-platoniciens latins
des derniers siècles : elle rappelle moins encore le De nuptiis
de Martianus Capella que les Mitologiae de Fulgence dont le
thème est fort semblable. Les Mitologiae et la
Consolation se présentent également comme une
révélation platonicienne sur la nature de la divinité. Boèce ne cache pas de
quels philosophes il se réclame : il a été nourri, dit-il, des doctrines des
Éléates et de l'Académie. Les Éléates désignent ici les fondateurs de la
dialectique, sans que leurs théories aient laissé de souvenir très précis Philosophie la confidente du sage bannit de son chevet
les Muses de la poésie, au titre infamant de «petites prostituées de théâtre», qui
viennent distraire le philosophe comme les Sirènes dont la douceur du chant
sème la mort ; Philosophie s'emporte ainsi vertement contre les propos de la
première élégie de l'œuvre, où Boèce croyait avoir découvert dans la compagnie
et l'inspiration de ces «Camènes déchirées» une
consolation larmoyante aux épreuves présentes Le prologue de Jean de Meun
précède deux traductions différentes de la Consolatio
philosophiae de Boèce : la traduction en prose de
Jean de Meun (Li
Livres de Confort de Philosophie) et une des traductions anonymes en vers
et en prose (Le Livre de Boece de ConsolaciĂłn). E.
Langlois a Ă©tabli que Jean de Meun Ă©tait
indiscutablement l'auteur de la traduction en prose ; un second traducteur
s'était approprié le prologue de cette traduction déjà célèbre pour rehausser
la valeur de la sienne et pour la faire paraître plus ancienne qu'elle ne
l'était Cette condensation généralisante
des différentes figures de la débauche, joueurs et prostituées qui hantent les
tavernes et autres lieux de perdition, en un seul personnage dont l'apparence
extérieure évoque tous les attraits du vice, témoigne d'une conception
ontologique et esthétique que, pour reprendre l'expression de Werner Helmich, on peut qualifier de réalisme essentialiste. Luxure qui se présente en ces termes : "Veez me cy, coincte et jolye / Gracieuse et godinette" n'a pas besoin de
plus pour ĂŞtre reconnue par le public. Les personnifications incarnent des
concepts ou termes généraux (les universaux) auxquels on attribue une réalité Jean de Meun, Jehan de Meung, Jean de Meung ou Jean Chopinel, Jean Clopinel (v. 1240
à Meung - v. 1305 à Paris) est un poète français du
XIIIe siècle, connu surtout pour sa suite du Roman de la Rose Pour se rendre bien compte de l'esprit de la chevalerie,
il faut lire, dans la charmante Histoire et plaisante chronique du petit Jehan
de Saintré, les admonitions que lui adresse la Dame
des belles cousines, lorsqu'il fut attaché au service de cette princesse en
qualité d'enfant d'honneur et de page. La dame, qui parle latin comme un Père
de l'Église, lui fait une édifiante instruction sur les sept péchés mortels.
Elle termine son sermon sur la luxure, par cette citation empruntĂ©e Ă BoĂ«ce: «Luxuria est ardor in accessu, fĹ“dor in recessu, brevis delectatio corporis et animĹ“ destinctio. C'est Ă
dire, mon amy, que luxure est ardeur à l'assembler, puantise au despartir, briefve delectation du corps, et de l'âme destruction.» Universaux-monstres Plus que l'Isagoge, c'est le
commentaire de Boèce sur Porphyre qui a produit au Moyen Age latin la question
de l'universel. Jusqu'Ă la seconde moitiĂ© du XIIe siècle, c'est-Ă -dire jusqu'Ă
la traduction des nouvelles sources arabes (Avicenne) et aristotéliciennes (Logica nova. De anima, Metaphysica
vetus), c'est avec Boèce et lui seul que les
médiévaux ont eu accès aux données philosophiques de l'Antiquité et de
l'Antiquité tardive. C'est par lui qu'ils ont pu connaître certaines thèses
centrales de la critique de la critique aristotélicienne de Platon à une époque
où ils ignoraient quasi tout du débat qui les avait opposés L'oeuvre de Guillaume d'Ockham (vers 1285 - 1347) constitue probablement le
meilleur exemple de cette méconnaissance de Platon. Il attribue ä Platon trois
thèses au sujet des universaux, sans se soucier du fait qu'il reprend ä son
compte ce que la tradition médiévale se réclamant d'Aristote a traité de 'monstra': (1) «les universaux sont des substances hors de
l'esprit»; (2) «les universaux sont séparés des choses sensibles». (3) «les
universaux sont causes des choses sensibles». Les trois theses
s'appuient sur un presuppose formule ainsi: «A toute abstraction
intellectuelle justifiée doit correspondre une séparation dans l'être». Quant
aux thèses, des théologiens les renforceront en précisant que ces substances séparées
des choses sensibles existent hors de l'esprit et hors de Dieu. Ils les combattront
donc avec d'autant plus de facilité. S'agissant du présupposé, il n'est qu'un
dogme des scotistes, longtemps attribue ä tous les réalistes, inconcevable sans
une distinction formelle inconnue de Platon, rejetée par Ockham.
Mais c'est lui qui justifie les thèses. En 1324, à la suite de la dénonciation de John Lutterell, chancelier thomiste de l'Université, il fut accusé d'hérésie du fait de ses positions métaphysiques radicales. Guillaume d'Ockham se rendit en Avignon, où siégeait le pape Jean XXII, et y croisa Maître Eckhart, lui aussi convoqué pour un procès en hérésie. Malgré l'enquête d'une commission pontificale en 1328, Guillaume d'Ockham ne fut néanmoins jamais condamné, pour des raisons encore inconnues, contrairement à Maître Eckhart, condamné en 1329, après sa mort. Ockham vécut en semi-liberté dans un couvent rattaché à son ordre. Ockham ne s’intéressa vraiment à la querelle de la pauvreté (qu’il croyait réglée) qu’avec la venue de Michele da Cesena en son couvent d’Avignon à l'automne 1327. Persuadé que le pape était tombé dans l’hérésie, il rejoignit alors les Spirituels. Ockham s’enfuit à Munich dans la nuit du 25 mai 1328 (fr.wikipedia.org - Guillaume d'Ockham). Dans le dernier quart du siècle, Pierre d'Ailly
(1351-1420) a proposé une troisième interprétation. Il considère Aristote comme
un dialecticien, et Platon, dont il connait de première main le Timee calcidien, comme un
philosophe qui revèle «les secrets de Dieu», et comme
un métaphysicien recommandé dejà par les anciens.
L'opinion dont Aristote a crédité Platon n'est pas certaine, car il a répété
Platon confusément et en s'éloignant de la vérité; en critiquant Platon, il lui
a attribué «les universaux-monstres»
(res universales chimerinas); il a suivit plutöt le son des paroles que le sens des mots; nous
manquons cependant de livres de Platon pour nous en faire une opinion sûre
(Marguerite Chappuis, Le Traité de Pierre d'Ailly sur la Consolation de Boece, Qu.
1, Amsterdam-Philadelphia, 1993). En posant la question de la félicité humaine
et du bien suprême, c'est-à -dire du bien subsistant en soi, séparé de tous les
biens matériels, d'Ailly cherche à définir l'idée du «bien universel séparé». Nous
entrons donc dans la matière des idees que l'on
résume aisément en trois points. (1) Il est fort probable que l'idée séparée
est l'âme du monde. Or par l'idée séparée Platon
entend la nature divine, et plus précisement l'âme du
monde. Les rapports entre Dieu et le monde sont analogues à ceux entre l'âme
humaine et le corps qu'elle anime, met en mouvement et dans lequel elle se
trouve partout. L'identification de l'idée avec Dieu est confirmée par le texte
du Timée, par l'autorité de Sénèque, du Liber de causis,
de Boèce et, sur le plan thĂ©ologique, par celle d'Augustin. (2) Il reste Ă
résoudre la difficulté de la pluralité des idées en Dieu, dont parlent les autorites alléguées, et de leur distinction, car, on le
sait, ce qui est en Dieu est Dieu et on ne connait en Dieu que la distinction
des personnes. A ce propos, Pierre d'Ailly affirme qu'il n'existe qu'une seule
idée absolument simple de toutes les choses créables, et qu'elle est Dieu lui-meme. Cependant, lorsque les philosophes et les saints
parlent des idées au pluriel, on ne doit jamais les entendre littéralement,
mais selon le vrai sens. En réalité, par leur manière de s'exprimer, les
auteurs allégués nous font remarquer la différence entre la connaissance
humaine, qui est confuse, et celle de Dieu, qui est distincte. En effet, nous
connaissons confusement ce qui est commun ä plusieurs
objets, en particulier les natures communes, alors que Dieu, c'est-Ă -dire
l'Idée, connaît, dans un seul acte, toutes les choses distinctement. D'autres
arguments vont dans le mĂŞme sens. En definitif, le pluriel utilise par des philosophes n'est
qu'un mode de leur discours sur Dieu. (3) Par les idées et par l'idée séparée
du bien universel Platon n'entendait autre chose que Dieu. En posant la
félicité humaine dans ce bien-là , il l'a posée en Dieu Magie et réalisme Trois grandes doctrines dominent le réalisme théologique
du XIIIe siècle : celles de Robert Grosseteste, d'Albert le Grand et de Thomas
d'Aquin. Si tout au départ les rapproche, aucune n'est, à l'arrivée,
superposable à l'autre Le chapitre XVIII de l’Apologie pour les grands hommes soupçonnés de magie, Paris 1669,
entreprend l'apologie de Robert de Lincoln et d'Albert le Grand deux évêques accusés de magie pour leur trop grande doctrine. Il ne s'agit pas ici de déterminer positivement
et historiquement si les preuves avancées par Naudé sont, ou non, valides dans le détail, mais de mesurer la fécondité des
contradictions supposées volontaires qui parcourent l’argumentation. Or la
défense d'Albert le Grand entre en contradiction manifeste avec un passage du
chapitre précédent; elle a également suscité les commentaires de Pierre Bayle,
à l'article «Albert le Grand» du Dictionnaire historique et critique - deux
bonnes raisons pour suspecter Naudé de «panurgie» Dans son commentaire du De anima, Albert le Grand manifeste clairement son intérêt pour la
magie; il se déclare expert en magie (expertus in magicis) (Albert le Grand, De anima, I. 2, 6, de motu animae dans Opéra omnia) Entre le début du XIIIe siècle et la fin du XIVe siècle,
la réflexion sur la virtus verborum aura dessiné une
parenthèse naturaliste au sein d'un contexte radicalement autre, celui d'une
société préoccupée par les démons et leur possible intervention dans les
affaires des hommes. Après 1350, le théologien et homme de science nominaliste
Nicole Oresme analyse la virtus verborum de façon
résolument rationaliste; il confère à l'interprétation naturaliste des
incantations sa forme la plus étendue et la plus aboutie Les mots ont-ils un pouvoir ? La question était en débat
dans l'Europe médiévale. On s'est interrogé sur l'origine divine, démoniaque ou
peut-ĂŞtre naturelle de la virtus verborum, la
puissance des mots, et en particulier sur le pouvoir des incantations.
L'incantation pouvait-elle avoir une cause naturelle et, dans ce cas,
était-elle une pratique licite ? Des théologiens, des philosophes, des médecins
de renom ont soutenu l'idée d'une efficacité non démoniaque de la parole
humaine, une efficacité naturelle. On trouve ainsi, dans les textes doctrinaux
de l'époque scolastique, une ample matière pour reconstituer la naissance et
l'histoire d'une interprétation des incantations que l'on pourrait dire
naturaliste. La notion mĂŞme de virtus verborum trouve
une première formulation dans les années 1230-1270 par la voix du franciscain
Roger Bacon ; celui-ci contredit l'interprétation théologique de l'incantation
qui faisait la part belle aux pouvoirs des démons. De 1280 à 1348, la question
du pouvoir des mots prend une tournure plus spécifiquement médicale, elle est
portée par les réflexions des médecins Pietro d'Abano et Gentile da Foligno. Après 1350, le théologien et homme de science Nicole
Oresme analyse la virtus verborum de façon résolument
rationaliste ; il confère à l'interprétation naturaliste des incantations sa
forme la plus étendue et la plus aboutie. Mais au début du XVe siècle, le
chancelier Jean Gerson déclare son hostilité à l'encontre de la notion
d'incantation naturelle et revient à l'interprétation démoniaque : le
débat est clos. Les discussions sur la virtus verborum renaîtront plus tard, à l'époque moderne. Les débats médiévaux sur les
incantations représentent un moment à part dans l'histoire intellectuelle du
Moyen Age. Entre le début du XIIIe siècle et la fin du XIVe siècle, la
réflexion sur la virtus verborum aura dessiné une
parenthèse naturaliste au sein d'un contexte radicalement autre, celui d'une
société préoccupée par les démons et leur possible intervention dans les
affaires des hommes Les détracteurs d'Aristote lui reprochent d'adopter un
réalisme naïf ou un réalisme magique dans son ouvrage De Anima, Livre III,
Chapitre 4. Ils l'accusent d'adopter un modèle diaphane de sensibilisation au
monde extérieur, un modèle qui permettrait au monde extérieur de se refléter
complètement et sans distorsion dans la conscience de l'observateur. En
d'autres termes, ce modèle diaphane fonctionne sans aucune identité qui lui
soit propre. Aussi, l'observateur, dans ce modèle, ne doit pas voir d'un angle
particulier ou dans un certain mode mais d'une manière indépendante de tous les
moyens (et indépendamment des conditions qui influent sur ces mêmes moyens) Le grand schisme Le maître-mot du siècle, au sens propre, sera le mot
«schisme» : schisme entre le roi et le pape, entre l'empereur et le pape,
schisme de la France aux prises avec la guerre de Cent ans, «Grand Schisme»
(1378-1417) qui divise l'Europe en deux camps. Mais le plus grand schisme de
tous, celui qui dure encore, c'est celui du nominalisme, dont le plus fameux
champion est Guillaume d'Occam (1285-1349), gloire de la scholastique, surnommé
le «Docteur invincible» L'influence à long terme de la pensée ockhamienne de la «déconstruction» n'est pas niable. L'oeuvre d'Ockham, parmi d'autres, mais toujours en bonne place, est
présente aussi bien dans les polémiques ecclésiales contemporaines du Grand
Schisme et du mouvement conciliaire, que chez les penseurs qui, tels Gabriel Biel (1410- 1495) et John Mair (1467-1550), font le pont
avec les controverses de la Réforme. [...] Pour ce logicien rigoureux, la communauté en tant
qu'ordre ou unité (ordo, unitas) n'est pas une chose
en elle-mĂŞme (aliquid in se) qui serait distincte de
chaque partie ou de toutes les parties réunies. Dès lors, toute assimilation d'une communauté constituée, par
exemple l'Ordre des frères mineurs ou l'Église, à une personne représentée ou fictive ne peut
être qu'une «similitude relative» Le réalisme n'était-il pas le fondement même des hérésies
de Wiclif, de Jean Hus et JĂ©rĂ´me de Prague, et qui
donc avait réduit ces deux derniers hérétiques au silence, au concile de
Constance, sinon des champions suscités par Dieu pour sa cause, les partisans d'un «nominalisme modéré» Pierre
d'Ailly et Jean Gerson ? Peut-ĂŞtre faut-il pourtant ajouter que Gerson n'a
jamais adhéré au nominalisme que contre un certain réalisme ou, si l’on
préfère, contre ce qui, dans le réalisme, risquait de conduire à celui de Scot
Érigène, de Wiclif, de Jérôme de Prague et de Jean Hus. Ce n'était pas l'aspect philosophique du problème qui retenait son,
attention, Gerson n'est pas venu proposer un système, mais un remède au mal qui
était pour l’Eglise le heurt des systèmes. Ce remède ce n'est pas dans une
philosophie quelconque mais dans une certaine notion de la théologie qu'il a
cru le trouver (Etienne Gilson, La philosophie au moyen âge) Revenant au débat sur les universaux et renouant avec Abélard, il se pose en partisan résolu du nominalisme dont il assure le succès même à Paris où il a été condamné deux fois, en 1339 puis en 1473. Dans la conception occamienne le nom n'est que la désignation d'une chose, mais en tant que prédicat, il peut en désigner plusieurs, ce qui renforce la démarche interprétative. Il développe une morale de la liberté, une doctrine politique à connotation sociale poussant à la séparation des pouvoirs temporel et spirituel. Sa théologie peut être schématisée dans une proposition brutale : Dieu n'est connu de l'homme que par l'idée que celui-ci s'en fait à travers le monde naturel. En dépit des démonstrations thomistes, il reste inconnaissable au sens intuitionniste ou mystique, ses vues sont impénétrables. Ce qui exclut le salut par les oeuvres, mais ne doit ni décourager la piété ni surtout détourner de la charité. L'homme doit se conformer aux lois divines sans en attendre de retour. On a vu là , sans doute abusivement, un élément annonçant la prédestination. On voit cependant dans cette doctrine une émergence forte du libre arbitre et un appel à la volonté éclairée par la foi autant que par la raison. Même le Décalogue ne dispense par l'homme de faire preuve de discernement. Cet avènement du libre arbitre a des conséquences exceptionnelles. Outre qu'il privilégie contre l'autorité ecclésiale la capacité de l'individu à agir par lui-même, il donne au droit naturel une ouverture contractuelle qui correspond pleinement à l'évolution économique et sociale du temps, légitimant le contrat d'association. En cela Occam se pose en défenseur des libertés, franchises et coutumes propres à faire vaciller les grands pouvoirs. Le pragmatisme occamien qui porte à rejeter la transsubstantiation met la théologie au rang de science pratique. Sur le plan politique, le système d'Occam instaure une
relativité qui sans nier la légitimité du pouvoir ne reconnaît pas son
absolutisme de principe. L'ordre en place peut être considéré comme raisonnable
mais ne relève pas d'une transcendance immuable. La reconnaissance de l'individu doué d'une aptitude à exercer un
libre arbitre implique sa capacité à renouveler ou à modifier le pacte dans le
respect du bien commun et du droit de chacun. Car la société n'est qu'une
association d'individus. On mesure dans le contexte du Grand Schisme le poids
d'une telle argumentation qui, si elle préconise la mise à distance du pouvoir
spirituel, n'en est pas pour autant révolutionnaire car le pouvoir donné au
prince procède de la volonté divine. Bien que fortement combattue, l'influence
d'Occam eut d'importants prolongements, en France notamment avec Jean Buridan
et Nicolas Oresme. Néanmoins, mettant en cause l'autorité ecclésiale, Occam ne
propose pas d'alternative. Il introduit un débat fondamental qui oppose les
modernes aux anciens dont la référence majeure reste le thomisme, ce qui lui
valut d'être considéré comme une source de Luther. La crise ouverte à la fin du
XIVe siècle est aggravée dans le domaine théologique par la routine scolastique
qui entrave le renouvellement nécessaire sur le plan théorique, ce que compense
à peine le recours à la mystique incarné par Maître Eckhart. Ce manque de
dynamisme a découragé une relecture des textes que l'humanisme allait relancer
vers d'autres voies, tandis que l'Église officielle adoptait une attitude plus
pragmatique, plus concrète et plus proche de la foi populaire dont témoignent
la pastorale et la théologie de Gerson La grande prostituée et le grand schisme Comment, alléguait Pierre d'Ailly, supposer
que saint Jean n'ait rien prédit d'une telle calamité, qui dure depuis plus de
quarante ans, et que d'autres prophètes de moindre importance ont annoncée ?
Ces derniers mots se rapportent aux aux prédictions
de saint Cyrille, de Joachim de Flore et de sainte Hildegarde, qui passaient
pour contenir de nombreuses allusions aux événements du Grand Schisme. Pierre
d'Ailly n'en découvrait pas moins dans les chapitres XVII et XVIII de
l'Apocalypse. La «grande prostituée» avec laquelle «les rois de la terre ont
commis la fornication» (XVII, 1, 2) n'est autre, suivant lui, que la partie de
l'Église qui est responsable du Grand Schisme et qui l'a entretenu grâce à la
faveur des rois et des princes de la terre. Cette femme est assise sur une «
bête » c'est-à -dire appuyée sur une grande puissance séculière qui use d'un
pouvoir déraisonnable et tyrannique. La bête est de couleur écarlate, parce que
les tyrans ont, pendant le Schisme, versé à flots le sang chrétien. Quant à la
prostituée, elle est vêtue de pourpre, allusion à la puissance et à la richesse
excessives de l'Eglise. Selon Pierre d'Ailly, le Grand Schisme Ă©tait le
châtiment qui s'était abattu sur l'Eglise romaine. Depuis le schisme oriental
et et la perte de Jérusalem, s'était trop préoccupée
de ses intérêts temporels, recherchant dans ce dessein la faveur des monarques,
mais négligeant la réduction des schismatiques grecs, le recouvrement des Lieux saints, la conversion des
infidèles, d'une manière générale, tous les intérêts spirituels de la
chrétienté. Ce qui prouve, continue Pierre d'Ailly, que la «prostituée» du
chapitre XVII ne doit pas s'entendre littéralement de la ville de Babylone,
c'est que sur son front est inscrit le mot Mysterium;
c'est quelque grande cité mystique, non point seulement, comme on l'a dit,
Rome, où le Schisme a pris naissance, mais toute l'obédience schismatique ou,
d'une manière plus générale tout ce que Pierre d'Ailly appelle «l'Eglise des
méchants,» (Ecclesia malignantium).
En partisan de la papauté avignonnaise, il voit dans la «grande prostituée»
l'Eglise romaine, qui étend son autorité spirituelle et même, au dire de ses
flatteurs. sa souveraineté temporelle sur les princes
de ce monde. Quant à l'Ange qui descend du ciel, en criant : «Elle est tombée,
la grande Babylone !» (XVIII, 1,2). Pierre d'Ailly n'a pas, comme on pourrait le
croire, l'audace de se reconnaĂ®tre en lui; mais il est tentĂ© de l'assimiler Ă
quelqu'un des saints personnages qui ont «prédit» le Grand Schisme d'Occident,
saint Cyrille ou saint Methodius Le créateur de l'expression medium aeuum
vers 1350, PĂ©trarque (1304-1374), avait le sentiment de vivre en un temps de
saleté, de bassesse et d'ordures, entre un lointain passé brillant et un avenir
hypothétique qui serait peut-être lui aussi de nouveau brillant. Le point de
vue de PĂ©trarque qui se sent Ă©tranger Ă son Ă©poque se fonde sur trois sortes de
considérations; il pense d'abord en patriote, amer de voir l'Italie divisée en
petits Etats et soumise aux étrangers, elle qui avait été la maîtresse du «
monde », au temps de l’Empire romain ; en second lieu, en tant que chrétien, il
est dégoûté : la papauté, exilée à Avignon, "nouvelle Babylone", vit
dans la richesse et le vice et corrompt la religion qu'elle est chargée de
défendre; enfin l'écrivain latin est désespéré : non seulement les œuvres des
grands poètes et prosateurs latins ont en partie disparu, victimes de
l'incurie, mais on ne les étudie plus; dans les Universités, depuis le
triomphe des Ordres mendiants, Dominicains et Franciscains, on n'enseigne que
la dialectique et une théologie toute nourrie d'Aristote (en latin) et de ses
commentateurs arabes; la poésie d'un Virgile ou d'un Ovide est condamnée en
tant que paĂŻenne et dangereuse pour la foi par certains Dominicains ;
l'éloquence est morte Le séjour des papes à Avignon, à partir de Clément V
jusqu'à Benoit XIII, fut une ère de prospérité pour cette ville; mais il
semble aussi, et du temps de PĂ©trarque au moins le fait est incontestable, que
ce fut une ère de dépravation morale dont on n'a pas d'exemple ni avant ni
après. D'ailleurs le trésor pontifical ne dédaignait pas de s'engraisser aux
dépens des nombreux lupanars dont les papes ou antipapes autorisaient
généreusement l'utile industrie. En ceci, Avignon n'eut rien à envier à Rome;
car l'impôt perçu à Rome sur la prostitution, fut également perçu à Avignon dès
les premiers jours du schisme d'Occident. Ce fut une importation très utile de
Clément V, à qui l'évèque Guillaume Durand se
plaignait amèrement, en 1311, des extorsions du barisel
ou maréchal du pape, chargé de percevoir cet impôt inique, et de l'immoralité
de l'impôt lui-même Pendant le schisme, sainte Catherine de Sienne dénonce
avec violence les débauches des clercs, sainte Brigitte compare l'Église à un
lupanar. Sainte Colette passe des nuits d'épouvantable angoisse à considérer
dans ses visions l'épouse mystique du Christ souillée d'horribles fautes et,
plus tard, Denys le Chartreux, sortant d'une extase, déclarera avoir vu
l'Église totalement défigurée; du sommet de la tête à la plante des pieds, on
n'y peut plus trouver de pureté Le rouge est la couleur de la grande prostituée de
l'Apocalypse de Jean. Les "marchands" seraient les commerçants de
Babylone promise Ă la destruction dans le mĂŞme livre (chapitre XVIII). "ruffiens" : rufian, ruffien : de l'italien "ruffiano" de "roffia"
saleté du germanique "hruf" esquarre. Renvoie
aussi au latin rufus : rouge. Mais aussi à rufius : lynx, loup-cervier (cf. "loups"). Le féminin louve du latin lupa = louve, prostituée
d'où lupanar Car ceste flamme azurée, rouge, & iaulnastre, comme plus grossiere & materielle qu'elle est, tend tousjours à exterminer et detruire ce qui la nourris & maintient ; ainsi que font les iniquites, la conscience qui les heberge, afin, de se constituer la perdition et la ruine de tout ce qui lui adhere en bas (Blaise de Vigenère, Traicté du feu et du sel, 1622 - books.google.fr). Babylone, symbolisée par une prostituée habillée de pourpre, assise sur la bête qui va à sa perdition, court à sa ruine, dieu ayant eu "souvenance de ses iniquités". On scécrira en "voyans la fumée de son bruslement" (La sainte Bible, qui contient l'Ancien et le Nouveau Testament, c'est à dire l'ancienne et la nouvelle Alliance, Tome 2, 1684 - books.google.fr). "odieuse" Un des amis de Pétrarque, Guglielmo da Pastrengo, venu lui rendre visite à Avignon, n'a pu l'y trouver, car il était parti se réfugier au bord de la Sorgue : dans la Var. 13 (=Dis. 1) écrite à Vaucluse en 1338-1339, Pétrarque lui présente ses excuses en lui exposant les raisons de cette fuite. Il insiste sur les peines et les douleurs liées à la vie citadine. [...] Dans les phrases précédentes, il avait introduit, pour se justifier auprès de son ami, cette opposition entre urbs et rus; la cité d'Avignon est qualifiée d'odieuse (odiosam semper civitatem), l'adverbe semper venant renforcer le caractère irrémédiable de ce défaut, tandis que la campagne (rure) est un refuge, à l'écart des hommes (latebris); à peine revenu à Avignon avec l'intention de voir son ami, Pétrarque n'a pas résisté très longtemps et a préféré repartir (Laure Hermand-Schebat, Les lettres de Pétrarque, L'Italie et la France dans l'Europe latine du XIVe au XVIIe siècle, 2006 - books.google.fr). L'aberration apparente de la durée humaine et de ses
«vicissitudes», histoire collective ou initiative individuelle, ne peut être
mieux illustrée selon Boèce que par la Roue de la Fortune et son schéma
alternatif et rĂ©pĂ©titif qui justifie en fait l'indiffĂ©rence Ă l'histoire et Ă
l'événement signifiant. [...] Si cette insignifiance ne doit trouver sa «consolation»
que dans la méditation théologique proposée par «Philosophie», la nostalgie
d'un bonheur d'ĂŞtre dans le temps n'en demeure pas moins ce qu'elle Ă©tait,
toute humaine, dans la tradition classique, grecque et latine, dont Boèce est
l'héritier. Pour lui, Boèce, pourtant laborieusement platonicien, l'âge d'or
est chargé de signifier cette béatitude d'un temps originel qui ne serait pas
encore du temps dégradé : «bienheureux le premier âge des hommes». [...] Et
Boèce emprunte a Hérodote et à Hésiode, à Virgile et à Ovide l'idyllique description
d'un bien-être tout entier dû à la nature comparé à ce que sera l'horreur d'une
dénaturation quand la culture, muant l'or pur de l'être en l'or impur de
l'avoir, apportera aux hommes, avec la pourpre, le goût du sang. [...] Ce
retour brutal au présent renvoie Boèce à la nostalgie d'inaccessible tempérance
de l'âge primitif. [...] Cette nostalgie d'ascétisme pastoral, on la retrouve
mêlée de critique sociale ou justifiée, «moralisée» par l'ascétisme biblique,
chez ces héritiers de Boèce que sont Jean de Meung,
Dante, ou Lydgate. Au chant XXII du Purgatoire, Dante unit dans une vision continue
tempérance classique et ascétisme biblique : «Le premier siècle eut l'éclat de
l'or : la faim donnait de la saveur aux glands; la soif donnait Ă chaque
ruisseau le goût du nectar. Des rayons de miel sauvage et des sauterelles
furent les seuls mets dont se nourrit Baptiste au désert; c'est pourquoi il
est environné de gloire, et aussi grand que le montre l'Évangile» (trad. H. Hauvette) La résolution du
grand schisme pour quoi faire Sachant que l'on se trouve avec ce quatrain, selon la
datation établie par la méthode de ce site, quasiment à la fin des 693 années
supposées imparties à l’existence de l’Islam, mais à partir de 1558, il est bon
de rappeler l’espérance de Pierre d’Ailly : Dans l'avenir, il
croit voir encore annoncée par l'Apocalypse la victoire définitive des
Chrétiens sur les Musulmans : l'armée chrétienne, «toute blanche de
sainteté,» est figurée par le «cheval blanc» du chapitre XIX, verset 11 ; elle
sera commandée par le roi des Grecs ou ou le roi des
Romains, assisté d'un saint prélat, que saint Jean représente sous les traits
d'«un ange debout dans le soleil» (XIX, 17). Enfin, au chapitre XX, verset 7,
Pierre d'Ailly découvre l'annonce de l'apparition de l'Antéchrist; un peu plus
loin (XX, 11), celle du Jugement dernier. Le plus intéressant serait de fixer
la date de cette crise suprême. Plus d'un auteur s'y est essayé en s'appuyant
précisément sur ce passage de l'Apocalypse. Le verset 7 du chapitre XX,
rapproché du verset 2, semble contenir en effet une indication chronologique,
qu'on n'a eu garde de négliger : «Et
après que les mille ans seront accomplis, Satan sera délié, et il sortira de sa
prison...» Nombre de commentateurs ont été convaincus qu'il y avait là ,
inscrite de la main même de saint Jean, la date précise de l'apparition du
fameux AntĂ©christ. Mais quel sera le point de dĂ©part de ces mille ans? LĂ
recommence la difficulté. Est-ce la naissance de Jésus-Christ ? Est-ce la
mort du Sauveur ? Est-ce le baptême de Constantin ? Tous ces systèmes ont
eu leurs partisans, mais sont discrédités, par la raison que le Xe, le XIe et le XIVe siècles se sont écoulés sans que se produisît la
venue de l'Antéchrist. Pierre Auriol et Nicolas de Lyre ont bien proposé comme
points de départ, l'un la victoire de Calixte II sur l'empereur Henri V dans la
Querelle des Investitures, l'autre l'approbation des ordres de saint Dominique
et de saint François. Mais Pierre d'Ailly ne trouve pas ces faits assez
considérables pour avoir pu être annoncés en ces termes par saint Jean. Il
conteste notamment que la puissance du démon ait été plus réfrénée par les deux
ordres des Dominicains et des Franciscains que par les autres, fait remarquer
que plusieurs de ces religieux ont joué un rôle néfaste dans le Grand Schisme
et qu'en tous cas les frères Mineurs ou Prêcheurs paraissent aujourd'hui bien
déchus de leur pureté primitive et de la sainteté de leurs premiers fondateurs.
Son avis est qu'il faut maintenir la naissance du Sauveur comme point de départ
des mille années de l'Apocalypse, mais attribuer à ce nombre une valeur
indéterminée. C'était déjà l'opinion de Nicolas de Lyre, et Pierre Auriol
disait lui-mĂŞme : «Laissons Ă
l'Esprit-Saint le soin d'interpréter ce mystérieux nombre !» Sur la date de la
défaite du Mahométisme, Pierre d'Ailly espérait aussi trouver quelque
renseignement précis dans les écrits des astrologues. Mais, suivant son maître Albumazar, la durée du règne de l'Islamisme n'aurait dû
être que de 693 ou de 584 ans. Or, un bien plus grand nombre d'années
s'était écoulé déjà , au temps de Pierre d'Ailly, depuis la fondation du
Mahométisme, et notre auteur éprouvait à expliquer ces chiffres d'Albumazar le même embarras qu'à interpréter le nombre 666
de l'Apocalypse. Il en venait Ă se demander s'il ne fallait pas faire partir
ces 584 ou ces 693 ans de l'époque de la plus grande extension du «royaume des
Arabes,» c'est-à -dire seulement de la fin du XIe siècle; mais il demeurait
perplexe, d'autant que, par un autre calcul, Albumazar assignait 1460 ans à la durée de la religion chrétienne et qu'en appliquant le
même principe à la religion mahométane, on serait arrivé à faire durer celle-ci
1151 ans. Ces difficultés inextricables auraient dû dégoûter Pierre d'Ailly des
spéculations astrologiques aussi bien que de l'interprétation aventureuse de
l'Apocalypse. L'une et l'autre méthodes étaient
Ă©galement impuissantes Ă lui livrer le secret que son esprit curieux
poursuivait avec acharnement, la date de la fin du monde Orkhan, fils et successeur
d'Osman, fondateur de la dynastie ottomane, profitant des luttes de factions
pour le trĂ´ne de Constantinople, arrache progressivement Ă l'empire la
Bithynie, avec Prousa, Iznik (l'antique Nicée),
Nicomédie, et enfin Gallipoli, sur la côte européenne des Dardanelles, ce qui
lui assurait le contrôle des Détroits et l'accès à la péninsule balkanique. Les
Byzantins s'étaient rendu compte bien trop tard que cet allié incommode, que
les différentes factions avaient cru pouvoir utiliser, était sur le point
d'Ă©trangler leur capitale. Pris entre une Thrace et une Bithynie ottomanes,
l'Empire byzantin ne contrĂ´lait plus que Constantinople et les environs du
Bosphore. Face à ce nouveau péril ottoman, qui n'était qu'à deux pas du Danube,
l'Europe s'aperçoit brusquement qu'il n'y a pas de temps à perdre. Innocent VI
réunit aussitôt une conférence à Avignon, mais c'est un solennel fiasco.
NĂ©anmoins, l'Europe bouillonnait Ă nouveau d'une passion pour la croisade :
en 1370, le nouveau pape, le cardinal Pierre Roger, choisit Grégoire XI comme
nom de règne, manifestant ainsi qu'il mettait ses pas dans ceux des trois
grands pontifes de ce nom qui avaient brandi le drapeau de la croisade. Dès
l'année suivante, il décrète un nouveau passagium generale, tout en préparant le retour du Saint-Siège à Rome
: tels Ă©taient les deux axes de son programme, ardemment soutenus par les deux
grandes saintes de l'époque, Brigitte de Suède et Catherine de Sienne. Cette
dernière rêvait d'inclure dans l'expédition les mercenaires professionnels des
Grandes Compagnies, afin qu'ils se réconcilient avec Dieu, tout en espérant que
la croisade serait le moyen d'obtenir une paix, ou au moins une trĂŞve, entre entre les Anglais et les Français : elle avait rĂ©ussi Ă
gagner le frère de Charles V, Louis, duc d'Anjou, à la cause du passagium. Le retour de la papauté à Rome, loin de donner
le coup d'envoi à la très attendue réforme de l'Église, débouchait sur ce que
l'on a appelé le «Grand Schisme d'Occident»; les Anglais et les Français en
guerre avaient la malchance de voir accéder au trône qui un enfant (Richard
II), qui un pauvre dément (Charles VI); en 1381, l'Angleterre subissait la
«révolte des travailleurs», un mouvement populaire mené par un chef énergique,
Wat Tyler; en 1382, les Flandres étaient ravagées par le soulèvement des
tisserands de Gand, rĂ©bellion qui en dĂ©clenchait d’autres, un peu plus tard, Ă
Rouen et à Paris; la peste, enfin, s'abattait une nouvelle fois sur l’Europe A cette période de son règne personnel de Charles VI, - si
l'on peut appeler règne personnel celui d'un jeune homme à peine majeur,
hésitant entre les conseils de ses oncles et ceux des anciens ministres de son
père, - se rapportent deux projets importants en eux-mêmes, mais qui ne furent
pas exécutés : celui d'une croisade, et celui d'une expédition à Rome, dans le
but de forcer Boniface IX à la «cession». P.
d'Ailly a-t-il été étranger à ce projet de croisade,
lui qui, à peine prêtre, dès 1377, y faisait allusion dans son panégyrique de
saint Louis prêché à Navarre; qui en parlait avec feu à son clergé dans un
synode, vers 1398; qui, en 1410, accordait des indulgences Ă ceux qui iraient
en Prusse secourir les chevaliers teutoniques ? Quant à l'expédition de
Rome, c'eût été un moyen, mais un moyen violent et douteux, - puisqu'on usa en
vain d'une semblable mesure en 1398 contre Benoît XIII à Avignon - de faire
cesser le schisme Typologie Si on prend 2249 et 524, date de la rédaction de la
Consolation par Boèce, un an avant sa mort, on obtient la date pivot 1386. Ce
serait Ă cette Ă©poque que Chaucer revoit sa traduction de la Consolation de
Boèce en anglais, effectuée au début des années 1380. Chaucer, après 1386, subit les conséquences de la
disgrâce de son protecteur Jean de Lancastre et vit de 1386 à 1399 dans une
relative obscurité. Le nouveau roi, Henri de Lancastre, l'en sortira pour bien
peu de temps (Chaucer meurt en 1400). Chaucer avait suivit
les chances diverses de la fortune de son patron; il subit l'exil, la prison ;
il fut enfermé pendant trois années à la Tour de Londres Chaucer
first encountered Boethius through Jean de Meun, who
drew on it for Le Roman de la Rose and translated it into French prose as Li
Livres de confort, which Chaucer may have known. In
the 1380s Chaucer embarked on his own translation, Boece,
and must have completed it by 1387, when Thomas Usk
used it for his Testament of Love. Although Boethius'original
alternates between prose and verse sections, both de Meun
and Chaucer
translate into prose only, thus enabling a more literal translation, intended
to make the text more directly comprehensible to vernacular readers. In so
doing they were taking the same decision as had Boethius himself when
translating Aristotle and Plato. Chaucer clearly had access to a glossed Latin
text of the Consolation, and also to Trevet's
commentary, as well as to de Meun's French
translation. His Boece thus reflects the
interpretative tradition of Conches, as well as Trevet
and de Meun The
English poet Geoffrey Chaucer (ca. 1340–1400) later retained this ironic
equation between the mythic spirits of literary inspiration and prostitutes in
his translation of the work, Boece, in which
Philosophy refers to the Muses as “commune strumpettis"
(common strumpets) in Prose Section One 1386 tombe aussi pendant le Grand schisme, Clément VII (Robert de Genève) étant antipape de 1378 à sa mort en 1394, et Urbain VI élu aussi en 1378, pape de Rome jusqu'en 1389. A
l'époque, les Anglais tenaient pour Rome, les Français pour Avignon Schismes au XXe siècle Si on se replace, comme pour les deux quatrains suivants, trois cents ans avant (X, 100 : "des ans plus de trois cens"), on entrevoit les schismes dans l'Eglise cacatholique tentés ou réalisés par les Etats communistes européens et asiatiques. Datée du 25 février 1951, la huitième lettre pastorale du cardinal Tisserant fournit un ultime état des Eglises du silence, qui excède largement sa juridiction, car il passe en revue tous les pays sous emprise communiste, Chine comprise. Pour les Églises catholiques de rite oriental, «ce qui est advenu en 1945 en Galicie occidentale et en 1948 en Roumanie est arrivé les deux années suivantes, 1949 et 1950, dans les provinces des Carpathes de la Tchécoslovaquie et en Slovaquie. En tous ces territoires, les église catholiques de rite oriental ont été enlevées aux catholiques, fermées ou livrées aux dissidents, pendant que les prêtres latins, arrachés à la direction de leurs évêques et très diminués en nombre, procurent difficilement aux fidèles des deux rites les secours religieux, au milieu de difficultés de tous genres, qui augmentent tous les jours», explique-t-il. Quant aux Églises latines des démocraties populaires, elles sont promises, selon lui, au sort d'Églises nationales coupées de Rome, après rupture des relations diplomatiques avec le Saint-Siège et expulsion de ses derniers représentants (Étienne Fouilloux, Eugène, cardinal Tisserant (1884-1972), 2011 - books.google.fr). Bien que depuis toujours le Saint-Siège stipule qu'il n’y a qu’une seule Église en Chine et que depuis septembre 2018, le Saint-Siège a le pouvoir d'opposer son veto à tout évêque recommandé par la Chine, dans les faits, depuis 1957 le gouvernement chinois a essayé de nationaliser l’Église, obligeant les prêtres et évêques chinois désirant rester fidèles au Saint-Siège à vivre clandestinement, créant en conséquence une deuxième Église dite «souterraine» (fr.wikipedia.org - Eglise catholique en Chine). En Roumanie, l'Église catholique de rite latin s'est vu proposer vers 1950 de rompre avec Rome et de former une Église catholique latine nationale. La hiérarchie latine refusa de retenir cette demande. Mis en demeure de céder à l'État, évêques, prélats et prêtres préférèrent la prison au schisme. Des centaines d'arrestations furent alors opérées. Quatre des évêques latins devaient mourir en prison. Privée de sa hiérarchie de la plupart de ses prêtres, de tout lien avec Rome, l'Église s'efforça de persévérer dans son existence à la faveur de sa bonne organisation paroissiale (Jean Georges Henri Hoffmann, Eglises du silence: à l'Est, ténèbres et lumières, 1967 - books.google.fr). Acrostiche : LNAT La marque LNAT, avec ligature AT, est inédite. Elle pourrait être lue L.N (...) AT (...). On connaît à Arezzo, Fiesole et Rome l'estampille ponctuée L.N.AT avec ligature AT (CVArr, p. 281, no 1073, h) (Fouilles de l'École française de Rome à Bolsena (Poggio Moscini), 1968 - books.google.fr, Concetta Masseria, 10 anni di archeologia a Cortona, 2001 - books.google.fr). Pétrarque est né à Arezzo, le 20 juillet 1304, et décédé à Arquà , près de Padoue, le 18 juillet 1374 (G. Jacquemet, Catholicisme: hier, aujourd'hui, demain, Tome 11, 1948 - books.google.fr). |