Le Grand Schisme

Le Grand Schisme

 

X, 98

 

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La splendeur claire Ă  pucelle joyeuse,

Ne luyra plus longtemps sera sans sel :

Avec marchans, ruffiens loups odieuse,

Tous pesle mesle monstre universel.

 

"pucelle joyeuse" : prostituĂ©e

 

Au livre IV de la Franciade de Ronsard, celui de la magie, la flamme des rites conjuratoires n'est pas encore dĂ©livrĂ©e du noir jaunâtre du «salpestre fumeux». Le flambeau le plus sinistre de la poĂ©sie de cette Ă©poque est celui que Du Bellay allume pour symboliser la prostitution :

 

Flambeau puant, flambeau fumeux

Flambeau pétillant et gommeux,

Flambeau oingt de poix et de soulphre

Emprunté du stygieux goulphre (Jeux rustiques, Epitaphe d'un flambeau).

 

Quand cette flamme-là devient incendie, elle donne au paysage nocturne les teintes sinistres que l'on trouve au chant XII de la Jérusalem délivrée, quand Ismen et Clorinde mettent le feu à la tour des Croisés :

 

Oh ! Qui dira les langues de feu qui montent

De toutes parts ? Et l'épaisse fumée

Qui trouble la pure image des Ă©toiles ?

 

Nous trouvons lĂ  rĂ©unis les deux aspects de la flamme : sa couleur et sa direction. Dans La Flamme d'une chandelle, G. Bachelard, suivi par P. ChonĂ©, cite un passage de Blaise de Vigenère, inspirĂ© lui-mĂŞme du Zohar, sur les diffĂ©rentes couleurs qu'elle peut prendre. Vigenère distingue la couleur rouge, encore tributaire de la matière, et une lumière blanche qui ne change jamais de couleur et qui Ă©claire plus qu'elle ne brĂ»le. Il est facile Ă  partir de lĂ  d'opposer la flamme issue des corps matĂ©riels et celle qui n'aspire qu'aux cieux. L'incendie allumĂ© par Clorinde est d'autant plus infernal qu'il a Ă©tĂ© allumĂ© grâce Ă  des «boules de soufre et de bitume», Ĺ“uvre du magicien Argant. Il n'est pas Ă©tonnant dans ces conditions que l'incendie trouble «la pure image des Ă©toiles», ce qui n'empĂŞchera pas au reste le spectacle d'ĂŞtre fascinant. Avant de laisser partir dans la nuit Clorinde et Ismen, Argant, restĂ© derrière les remparts, se console de son inaction en disant: Je jouirai Ă  l'abri du spectacle De la fumĂ©e et des Ă©tincelles ardentes. D'un paĂŻen, peut-on attendre autre chose ? Peut-on s'Ă©tonner qu'il s'intĂ©resse aux couleurs de l'enfer ? Il y a pourtant autre chose dans les vers du Tasse : l'idĂ©e que les scènes les plus effrayantes peuvent devenir agrĂ©ables pour un spectateur Ă  l'abri. C'est le Suave mari magno de Lucrèce, associĂ© Ă  la rĂ©flexion d'Aristote sur le spectacle tragique. [...] Vigenère distinguait, en fait, une flamme qui monte et une flamme qui descend. Et, contrairement Ă  toute attente, c'est la flamme spirituelle, celle de Pallas, de couleur blanche, qui descend pour chercher la flamme rouge, la flamme matĂ©rielle qui tend vers le haut, afin de l'aider dans son ascension et de la purifier (Daniel MĂ©nager, La Renaissance et la nuit, 2005 - books.google.fr, Oeuvres françoises de Joachim Du Bellay, 1573 - books.google.fr).

 

Zohar signfie splendeur. Le Sepher ha zohar est le livre de la splendeur.

 

La cosmologie de Ronsard est au début celle de son temps. Il n'a pas connu la révolution apportée en astronomie par Copernic. La représentation qu'il se faisait du monde est celle que lui donnait l'Imago mundi de Pierre d'Ailly et sa doctrine sur la constitution de l'univers celle que lui fournissaient les commentaires du Timée et surtout du De caelo et mundo du pseudo-Aristote. Mais très vite à ces éléments classiques se sont mêlées des théories hétérodoxes à tendances panthéistiques et d'origine stoïcienne (Henri Busson, Le rationalisme dans la littérature française de la Renaissance (1533-1601), Volume 1 de De Pétrarque à Descartes, 1957 - books.google.fr).

 

Vigenère

 

Dans son Traité du feu et du sel, publié en 1628, Blaise de Vigenère accentuait la finesse de cette observation en identifiant deux flammes dans la flamme qui monte: «l'une est blanche qui luit et éclaire, ayant la racine bleue au sommet ; l'autre rouge qui est attachée au bois, et au lumignon qu'elle brûle. La blanche monte directement en haut, et au-dessus demeure ferme le rouge sans se départir de la matière administrant de quoi flamber et luire à l'autre» (Léonard Defrance: l'œuvre peint, 1985 - books.google.fr).

 

Le traité qui porte ce titre fut inspiré à Vigenère par ce verset de saint Marc : «Tout homme (c'est-à-dire l'homme intelligence) sera salé de feu, et toute victime (c'est-à-dire l'homme animal) sera salée de sel.» (Henri Faure, Antoine de Laval et les écrivains bourbonnais de son temps: Illustrations du bourbonnais 16. et 17. siècle, 1870 - books.google.fr).

 

Blaise de Vigenère est né à St-Pourçain en Bourbonnais en 1522. Il était contemporain de Zecaire et de Gaston de Claves. Son immense érudition et son esprit d'observation le distinguent de tous les alchimistes d'alors Connaissant non-seulement le grec et le latin, mais encore les langues orientales, il discute et commente savamment, dans son Traité du feu et du sel, les textes des philosophes anciens, et surtout le Zohar de la cabale, dont il paraissait avoir fait une étude approfondie. C'est Blaise de Vigenère qui a découvert l'acide benzoique, et son procédé est encore en usage dans les laboratoires. Il parait même avoir eu connaissance de l'oxygène (Jean Chrétien Ferdinand Hoefer, Histoire de la chimie depuis les temps les plus reculés jusqu'à notre époque, Tome 2, 1843 - books.google.fr).

 

Magie du sel

 

La magie à travers le sel peut aider à la rencontre des deux flammes de Vigenère.

 

Des rites de la magie amoureuse on passe aisément au rituel funéraire. Du geste même d'Hyante, amoureuse de Francus comme Clymène, faisant jaillir la flamme augurale, Francus boute le feu au bûcher d'un ami (livre III) et, au livre IV, reçoit de la magicienne des instructions qui le mettent en posture d'officiant évocateur des morts :

 

De masle encens et de souffre qui fume

Puant au nez tout le corps te parfume;

Ayes le chef de pavot couronne,

Et tout le corps de vervene entourné

Masche du sel, et pour quelque lumiere

Qui s'obscurcisse espaisse de fumiere,

Ny pour les feux de salpestre fumeux,

Ny pour l'abboy des mâtins escumeux,

Ny pour le cry des idoles menues

Qui sortiront comme petites nues,

Ne sois peureux, et, sans trembler d'effroy,

Ne tourne point les yeux derrière toy;

Car si, craintif, tu retournes la face,

Tout est perdu. Au milieu de la place

Fais une fosse assez large, oĂą dedans

Le sang versé des victimes respans

Tiède, à bouillons, et tout ensemble mesle

Du vin, du laict et du miel pesle-mesle (Albert Py, Le mot "feu" dans la Franciade, Ronsard et les éléments: actes du colloque tenu les 14 et 15 avril 1989 à la Faculté des lettres de l'Université de Neuchâtel, 1992 - books.google.fr, (Prosper Blanchemain, Œuvres complètes de P. de Ronsard: Les quatre premiers livres de La Franciade, 1858 - books.google.fr).

 

Si que selon le tesmoignage du mesme Aristote, on met de l'eau marine dans les lampes pour les faire luire plus clair, & iettée dessus la flamme elle s'allume. En quoy il y pourroit auoir aussi quelque mystere contenu, concernant le feu & le sel & leur affinité ensemble: Ioint qu'on voit par la que le sel est ennemy des ordures & immondices; & ne sy veut pas ioindre vny associer, non plus que le feu : qui non vult nisi res puras, dit le bon-homme Raymond Lulle (Blaise de Vigenère, Traicté du feu et du sel, 1622 - books.google.fr).

 

Magie

 

L'alchimie a Ă©tĂ© surtout mise en Ĺ“uvre dans le TraitĂ© du feu et du sel. A propos de la magie, un auteur dont Vigenère a lu les Ĺ“uvres, Corneille Agrippa de Nettesheim (1486- 1535), Ă©crivait en 1533 dans son De occulta philosophia qu'elle "est une facultĂ© qui a un très grand pouvoir, pleine de mystères très très relevĂ©s et qui renferme une très profonde connaissance des choses les plus secrètes [...] elle produit ses effets merveilleux par l'union et l'application qu'elle fait des diffĂ©rentes vertus des ĂŞtres supĂ©rieurs avec celles des infĂ©rieurs : c'est lĂ  la vĂ©ritable science, la Philosophie la plus Ă©levĂ©e, et la plus mystĂ©rieuse ; en un mot la perfection et l'accomplissement de toutes les sciences naturelles, puisque toute Philosophie rĂ©glĂ©e se divise en Physique, en mathĂ©matique, en thĂ©ologie" (Maurice Sarazin, Blaise de Vigenère Bourbonnais: introduction Ă  la vie et Ă  l'Ĺ“uvre d'un Ă©crivain de la Renaissance, 1997 - books.google.fr).

 

La rhétorique de Vigenère est une dérivation de son herméneutique ésotérique, qui s'articule en trois registres analogiques : l'alchimie, déchiffrement du monde élémentaire ; la magie, déchiffrement de la Nature ; la kabbale, déchiffrement du monde intelligible. Carrefour, résumé et témoin des trois mondes, l'homme est leur échangeur central en même temps que leur réciproque déchiffreur, armé qu'il est de "la parole, fille de raison", et de "l'escriture, sœur muette de la parole". Contrairement aux théoriciens plus ou moins pneumatistes de l'éloquence, qui accordent un primat à la parole, directement "inspirée", sur l'écriture, son reflet desséché, Vigenère privilégie l'écriture, supérieure à la parole (Marc Fumaroli, La diplomatie de l'esprit: de Montaigne à La Fontaine, 1998 - books.google.fr).

 

La Consolation de Boèce

 

Le genre même auquel appartient la Consolation peut nous orienter sur les sources de sa pensée. Boèce emprunte au genre de la satire ancienne ou satire Ménippée l'usage, suivi déjà par Martianus Capella, de faire alterner la prose et, les vers. Lé nom seul apparente la Consolation au genre de la consolation antique ; en réalité, le personnage de la Philosophie, qui console Boèce, le détourne bientôt de ses malheurs particuliers pour l'élever jusqu'à Dieu. Nous avons affaire à un protreptique. Mais ce protreptique, par la forme sous laquelle il est présenté diffère radicalement du Protreptique d'Aristote ou de l'Hortensius de Cicéron, tels que les fragments conservés permettent de les reconstituer : l'enseignement est donné ici sous forme d'une révélation, d'une apocalypse. Boèce insiste sur la mise en scène de cette apocalypse : il se décrit lui-même, couché, qui exprime sa douleur en un chant dicté par les Muses ; à ce moment lui apparaît la Philosophie, reconnaissable à son vêtement : sa robe porte en haut un "thêta" brodé, en bas un "Pi" et des échelons intermédiaires qui désignent les degrés par lesquels on s'élève de la philosophie pratique à la théorique ; elle congédie les Muses et promet à Boèce de le conduire à la lumière en lui rappelant ce qu'il a oublié. Cette mise en scène apocalyptique dont les origines sont anciennes, pour ne citer que le Poimandrès d'Hermès Trismégiste ou le Pasteur d'Hermas, paraît jouir d'une faveur particulière dans les milieux néo-platoniciens latins des derniers siècles : elle rappelle moins encore le De nuptiis de Martianus Capella que les Mitologiae de Fulgence dont le thème est fort semblable. Les Mitologiae et la Consolation se présentent également comme une révélation platonicienne sur la nature de la divinité. Boèce ne cache pas de quels philosophes il se réclame : il a été nourri, dit-il, des doctrines des Éléates et de l'Académie. Les Éléates désignent ici les fondateurs de la dialectique, sans que leurs théories aient laissé de souvenir très précis (Pierre Courcelle, Les lettres grecques en Occident de Macrobe à Cassiodore (1943) Bibliothèque des écoles françaises d'Athènes et de Rome, Numéro 159, 1948 - books.google.fr).

 

Philosophie la confidente du sage bannit de son chevet les Muses de la poésie, au titre infamant de «petites prostituées de théâtre», qui viennent distraire le philosophe comme les Sirènes dont la douceur du chant sème la mort ; Philosophie s'emporte ainsi vertement contre les propos de la première élégie de l'œuvre, où Boèce croyait avoir découvert dans la compagnie et l'inspiration de ces «Camènes déchirées» une consolation larmoyante aux épreuves présentes (Paul Augustin Deproost, Picta et facta. La condamnation du «mensonge des poètes» dans la poesie latine chrétienne, Revue des études augustiniennes, Volume 44, 1998 - books.google.fr).

 

Le prologue de Jean de Meun précède deux traductions différentes de la Consolatio philosophiae de Boèce : la traduction en prose de Jean de Meun (Li Livres de Confort de Philosophie) et une des traductions anonymes en vers et en prose (Le Livre de Boece de Consolación). E. Langlois a établi que Jean de Meun était indiscutablement l'auteur de la traduction en prose ; un second traducteur s'était approprié le prologue de cette traduction déjà célèbre pour rehausser la valeur de la sienne et pour la faire paraître plus ancienne qu'elle ne l'était (Glynnis M. Cropp, Le prologue de Jean de Meun et Le Livre de Boece de Consolacion. In: Romania, tome 103 n°410-411, 1982 - www.persee.fr).

 

Cette condensation généralisante des différentes figures de la débauche, joueurs et prostituées qui hantent les tavernes et autres lieux de perdition, en un seul personnage dont l'apparence extérieure évoque tous les attraits du vice, témoigne d'une conception ontologique et esthétique que, pour reprendre l'expression de Werner Helmich, on peut qualifier de réalisme essentialiste.

 

Luxure qui se présente en ces termes : "Veez me cy, coincte et jolye / Gracieuse et godinette" n'a pas besoin de plus pour être reconnue par le public. Les personnifications incarnent des concepts ou termes généraux (les universaux) auxquels on attribue une réalité (Denis Billotte, Jean Dufournet, Jean-Claude Aubailly, Le vocabulaire de la traduction par Jean de Meun, de la Consolatio philosophiae de Boèce, Volumes 1 à 2, 2000 - books.google.fr).

 

Jean de Meun, Jehan de Meung, Jean de Meung ou Jean Chopinel, Jean Clopinel (v. 1240 à Meung - v. 1305 à Paris) est un poète français du XIIIe siècle, connu surtout pour sa suite du Roman de la Rose (fr.wikipedia.org - Jean de Meung).

 

Pour se rendre bien compte de l'esprit de la chevalerie, il faut lire, dans la charmante Histoire et plaisante chronique du petit Jehan de Saintré, les admonitions que lui adresse la Dame des belles cousines, lorsqu'il fut attaché au service de cette princesse en qualité d'enfant d'honneur et de page. La dame, qui parle latin comme un Père de l'Église, lui fait une édifiante instruction sur les sept péchés mortels. Elle termine son sermon sur la luxure, par cette citation empruntée à Boëce: «Luxuria est ardor in accessu, fœdor in recessu, brevis delectatio

corporis et animœ destinctio. C'est à dire, mon amy, que luxure est ardeur à l'assembler, puantise au despartir, briefve delectation du corps, et de l'âme destruction.» (Paul Lacroix, Histoire de la prostitution chez tous les peuples du monde depuis l'antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours, Tome III, 1852 - books.google.fr).

 

Universaux-monstres

 

Plus que l'Isagoge, c'est le commentaire de Boèce sur Porphyre qui a produit au Moyen Age latin la question de l'universel. Jusqu'à la seconde moitié du XIIe siècle, c'est-à-dire jusqu'à la traduction des nouvelles sources arabes (Avicenne) et aristotéliciennes (Logica nova. De anima, Metaphysica vetus), c'est avec Boèce et lui seul que les médiévaux ont eu accès aux données philosophiques de l'Antiquité et de l'Antiquité tardive. C'est par lui qu'ils ont pu connaître certaines thèses centrales de la critique de la critique aristotélicienne de Platon à une époque où ils ignoraient quasi tout du débat qui les avait opposés (Alain de Libera, La querelle des universaux: de Platon à la fin du Moyen Age, 1996 - books.google.fr).

 

L'oeuvre de Guillaume d'Ockham (vers 1285 - 1347) constitue probablement le meilleur exemple de cette méconnaissance de Platon. Il attribue ä Platon trois thèses au sujet des universaux, sans se soucier du fait qu'il reprend ä son compte ce que la tradition médiévale se réclamant d'Aristote a traité de 'monstra': (1) «les universaux sont des substances hors de l'esprit»; (2) «les universaux sont séparés des choses sensibles». (3) «les universaux sont causes des choses sensibles». Les trois theses s'appuient sur un presuppose formule ainsi: «A toute abstraction intellectuelle justifiée doit correspondre une séparation dans l'être». Quant aux thèses, des théologiens les renforceront en précisant que ces substances séparées des choses sensibles existent hors de l'esprit et hors de Dieu. Ils les combattront donc avec d'autant plus de facilité. S'agissant du présupposé, il n'est qu'un dogme des scotistes, longtemps attribue ä tous les réalistes, inconcevable sans une distinction formelle inconnue de Platon, rejetée par Ockham. Mais c'est lui qui justifie les thèses.

 

En 1324, à la suite de la dénonciation de John Lutterell, chancelier thomiste de l'Université, il fut accusé d'hérésie du fait de ses positions métaphysiques radicales. Guillaume d'Ockham se rendit en Avignon, où siégeait le pape Jean XXII, et y croisa Maître Eckhart, lui aussi convoqué pour un procès en hérésie. Malgré l'enquête d'une commission pontificale en 1328, Guillaume d'Ockham ne fut néanmoins jamais condamné, pour des raisons encore inconnues, contrairement à Maître Eckhart, condamné en 1329, après sa mort. Ockham vécut en semi-liberté dans un couvent rattaché à son ordre. Ockham ne s’intéressa vraiment à la querelle de la pauvreté (qu’il croyait réglée) qu’avec la venue de Michele da Cesena en son couvent d’Avignon à l'automne 1327. Persuadé que le pape était tombé dans l’hérésie, il rejoignit alors les Spirituels. Ockham s’enfuit à Munich dans la nuit du 25 mai 1328 (fr.wikipedia.org - Guillaume d'Ockham).

 

Dans le dernier quart du siècle, Pierre d'Ailly (1351-1420) a proposé une troisième interprétation. Il considère Aristote comme un dialecticien, et Platon, dont il connait de première main le Timee calcidien, comme un philosophe qui revèle «les secrets de Dieu», et comme un métaphysicien recommandé dejà par les anciens. L'opinion dont Aristote a crédité Platon n'est pas certaine, car il a répété Platon confusément et en s'éloignant de la vérité; en critiquant Platon, il lui a attribué «les universaux-monstres» (res universales chimerinas); il a suivit plutöt le son des paroles que le sens des mots; nous manquons cependant de livres de Platon pour nous en faire une opinion sûre (Marguerite Chappuis, Le Traité de Pierre d'Ailly sur la Consolation de Boece, Qu. 1, Amsterdam-Philadelphia, 1993). En posant la question de la félicité humaine et du bien suprême, c'est-à-dire du bien subsistant en soi, séparé de tous les biens matériels, d'Ailly cherche à définir l'idée du «bien universel séparé». Nous entrons donc dans la matière des idees que l'on résume aisément en trois points. (1) Il est fort probable que l'idée séparée est l'âme du monde. Or par l'idée séparée Platon entend la nature divine, et plus précisement l'âme du monde. Les rapports entre Dieu et le monde sont analogues à ceux entre l'âme humaine et le corps qu'elle anime, met en mouvement et dans lequel elle se trouve partout. L'identification de l'idée avec Dieu est confirmée par le texte du Timée, par l'autorité de Sénèque, du Liber de causis, de Boèce et, sur le plan théologique, par celle d'Augustin. (2) Il reste à résoudre la difficulté de la pluralité des idées en Dieu, dont parlent les autorites alléguées, et de leur distinction, car, on le sait, ce qui est en Dieu est Dieu et on ne connait en Dieu que la distinction des personnes. A ce propos, Pierre d'Ailly affirme qu'il n'existe qu'une seule idée absolument simple de toutes les choses créables, et qu'elle est Dieu lui-meme. Cependant, lorsque les philosophes et les saints parlent des idées au pluriel, on ne doit jamais les entendre littéralement, mais selon le vrai sens. En réalité, par leur manière de s'exprimer, les auteurs allégués nous font remarquer la différence entre la connaissance humaine, qui est confuse, et celle de Dieu, qui est distincte. En effet, nous connaissons confusement ce qui est commun ä plusieurs objets, en particulier les natures communes, alors que Dieu, c'est-à-dire l'Idée, connaît, dans un seul acte, toutes les choses distinctement. D'autres arguments vont dans le même sens. En definitif, le pluriel utilise par des philosophes n'est qu'un mode de leur discours sur Dieu. (3) Par les idées et par l'idée séparée du bien universel Platon n'entendait autre chose que Dieu. En posant la félicité humaine dans ce bien-là, il l'a posée en Dieu (Zénon Kaluza, L'organisation politique, Le Timée de Platon: contributions à l'histoire de sa réception, 2000 - books.google.fr).

 

Magie et réalisme

 

Trois grandes doctrines dominent le rĂ©alisme thĂ©ologique du XIIIe siècle : celles de Robert Grosseteste, d'Albert le Grand et de Thomas d'Aquin. Si tout au dĂ©part les rapproche, aucune n'est, Ă  l'arrivĂ©e, superposable Ă  l'autre (Alain de Libera, La querelle des universaux: de Platon Ă  la fin du Moyen Age, 1996 - books.google.fr).

 

Le chapitre XVIII de l’Apologie pour les grands hommes soupçonnés de magie, Paris 1669, entreprend l'apologie de Robert de Lincoln et d'Albert le Grand deux évêques accusés de magie pour leur trop grande doctrine. Il ne s'agit pas ici de déterminer positivement et historiquement si les preuves avancées par Naudé sont, ou non, valides dans le détail, mais de mesurer la fécondité des contradictions supposées volontaires qui parcourent l’argumentation. Or la défense d'Albert le Grand entre en contradiction manifeste avec un passage du chapitre précédent; elle a également suscité les commentaires de Pierre Bayle, à l'article «Albert le Grand» du Dictionnaire historique et critique - deux bonnes raisons pour suspecter Naudé de «panurgie» (Isabelle Moreau, Guérir du sot: Les stratégies d'écriture des libertins à l'âge classique, 2007 - books.google.fr).

 

Dans son commentaire du De anima, Albert le Grand manifeste clairement son intérêt pour la magie; il se déclare expert en magie (expertus in magicis) (Albert le Grand, De anima, I. 2, 6, de motu animae dans Opéra omnia)

 

Entre le début du XIIIe siècle et la fin du XIVe siècle, la réflexion sur la virtus verborum aura dessiné une parenthèse naturaliste au sein d'un contexte radicalement autre, celui d'une société préoccupée par les démons et leur possible intervention dans les affaires des hommes. Après 1350, le théologien et homme de science nominaliste Nicole Oresme analyse la virtus verborum de façon résolument rationaliste; il confère à l'interprétation naturaliste des incantations sa forme la plus étendue et la plus aboutie (Béatrice Delaurenti, La puissance des mots, 2007 - books.google.fr).

 

Les mots ont-ils un pouvoir ? La question Ă©tait en dĂ©bat dans l'Europe mĂ©diĂ©vale. On s'est interrogĂ© sur l'origine divine, dĂ©moniaque ou peut-ĂŞtre naturelle de la virtus verborum, la puissance des mots, et en particulier sur le pouvoir des incantations. L'incantation pouvait-elle avoir une cause naturelle et, dans ce cas, Ă©tait-elle une pratique licite ? Des thĂ©ologiens, des philosophes, des mĂ©decins de renom ont soutenu l'idĂ©e d'une efficacitĂ© non dĂ©moniaque de la parole humaine, une efficacitĂ© naturelle. On trouve ainsi, dans les textes doctrinaux de l'Ă©poque scolastique, une ample matière pour reconstituer la naissance et l'histoire d'une interprĂ©tation des incantations que l'on pourrait dire naturaliste. La notion mĂŞme de virtus verborum trouve une première formulation dans les annĂ©es 1230-1270 par la voix du franciscain Roger Bacon ; celui-ci contredit l'interprĂ©tation thĂ©ologique de l'incantation qui faisait la part belle aux pouvoirs des dĂ©mons. De 1280 Ă  1348, la question du pouvoir des mots prend une tournure plus spĂ©cifiquement mĂ©dicale, elle est portĂ©e par les rĂ©flexions des mĂ©decins Pietro d'Abano et Gentile da Foligno. Après 1350, le thĂ©ologien et homme de science Nicole Oresme analyse la virtus verborum de façon rĂ©solument rationaliste ; il confère Ă  l'interprĂ©tation naturaliste des incantations sa forme la plus Ă©tendue et la plus aboutie. Mais au dĂ©but du XVe siècle, le chancelier Jean Gerson dĂ©clare son hostilitĂ© Ă  l'encontre de la notion d'incantation naturelle et revient Ă  l'interprĂ©tation dĂ©moniaque : le dĂ©bat est clos. Les discussions sur la virtus verborum renaĂ®tront plus tard, Ă  l'Ă©poque moderne. Les dĂ©bats mĂ©diĂ©vaux sur les incantations reprĂ©sentent un moment Ă  part dans l'histoire intellectuelle du Moyen Age. Entre le dĂ©but du XIIIe siècle et la fin du XIVe siècle, la rĂ©flexion sur la virtus verborum aura dessinĂ© une parenthèse naturaliste au sein d'un contexte radicalement autre, celui d'une sociĂ©tĂ© prĂ©occupĂ©e par les dĂ©mons et leur possible intervention dans les affaires des hommes (BĂ©atrice Delaurenti, La puissance des mots, 2007 - books.google.fr).

 

Les détracteurs d'Aristote lui reprochent d'adopter un réalisme naïf ou un réalisme magique dans son ouvrage De Anima, Livre III, Chapitre 4. Ils l'accusent d'adopter un modèle diaphane de sensibilisation au monde extérieur, un modèle qui permettrait au monde extérieur de se refléter complètement et sans distorsion dans la conscience de l'observateur. En d'autres termes, ce modèle diaphane fonctionne sans aucune identité qui lui soit propre. Aussi, l'observateur, dans ce modèle, ne doit pas voir d'un angle particulier ou dans un certain mode mais d'une manière indépendante de tous les moyens (et indépendamment des conditions qui influent sur ces mêmes moyens) (www.wikiberal.org - Réalisme).

 

Le grand schisme

 

Le maître-mot du siècle, au sens propre, sera le mot «schisme» : schisme entre le roi et le pape, entre l'empereur et le pape, schisme de la France aux prises avec la guerre de Cent ans, «Grand Schisme» (1378-1417) qui divise l'Europe en deux camps. Mais le plus grand schisme de tous, celui qui dure encore, c'est celui du nominalisme, dont le plus fameux champion est Guillaume d'Occam (1285-1349), gloire de la scholastique, surnommé le «Docteur invincible» (Arnaud-Aaron Upinsky, La perversion mathématique: L'oeil du Pouvoir, 1985 - books.google.fr).

 

L'influence à long terme de la pensée ockhamienne de la «déconstruction» n'est pas niable. L'oeuvre d'Ockham, parmi d'autres, mais toujours en bonne place, est présente aussi bien dans les polémiques ecclésiales contemporaines du Grand Schisme et du mouvement conciliaire, que chez les penseurs qui, tels Gabriel Biel (1410- 1495) et John Mair (1467-1550), font le pont avec les controverses de la Réforme. [...]

 

Pour ce logicien rigoureux, la communauté en tant qu'ordre ou unité (ordo, unitas) n'est pas une chose en elle-même (aliquid in se) qui serait distincte de chaque partie ou de toutes les parties réunies. Dès lors, toute assimilation d'une communauté constituée, par exemple l'Ordre des frères mineurs ou l'Église, à une personne représentée ou fictive ne peut être qu'une «similitude relative» (Dominique Iogna-Prat, La «substance» de l'Église (XIIe-XVe siècle), Hors-série n° 7 2013 : Les nouveaux horizons de l'ecclésiologie : du discours clérical à la science du social - journals.openedition.org).

 

Le réalisme n'était-il pas le fondement même des hérésies de Wiclif, de Jean Hus et Jérôme de Prague, et qui donc avait réduit ces deux derniers hérétiques au silence, au concile de Constance, sinon des champions suscités par Dieu pour sa cause, les partisans d'un «nominalisme modéré» Pierre d'Ailly et Jean Gerson ? Peut-être faut-il pourtant ajouter que Gerson n'a jamais adhéré au nominalisme que contre un certain réalisme ou, si l’on préfère, contre ce qui, dans le réalisme, risquait de conduire à celui de Scot Érigène, de Wiclif, de Jérôme de Prague et de Jean Hus. Ce n'était pas l'aspect philosophique du problème qui retenait son, attention, Gerson n'est pas venu proposer un système, mais un remède au mal qui était pour l’Eglise le heurt des systèmes. Ce remède ce n'est pas dans une philosophie quelconque mais dans une certaine notion de la théologie qu'il a cru le trouver (Etienne Gilson, La philosophie au moyen âge) (Mario Enrique Sacchi, El apogeo del nominalismo escolástico, Sapientia, Volume 60, Parties 217 à 218, 2005 - books.google.fr, Denis Labouré, Astrologie et religion au Moyen Age, 2019 - books.google.fr).

 

Revenant au débat sur les universaux et renouant avec Abélard, il se pose en partisan résolu du nominalisme dont il assure le succès même à Paris où il a été condamné deux fois, en 1339 puis en 1473. Dans la conception occamienne le nom n'est que la désignation d'une chose, mais en tant que prédicat, il peut en désigner plusieurs, ce qui renforce la démarche interprétative. Il développe une morale de la liberté, une doctrine politique à connotation sociale poussant à la séparation des pouvoirs temporel et spirituel. Sa théologie peut être schématisée dans une proposition brutale : Dieu n'est connu de l'homme que par l'idée que celui-ci s'en fait à travers le monde naturel. En dépit des démonstrations thomistes, il reste inconnaissable au sens intuitionniste ou mystique, ses vues sont impénétrables. Ce qui exclut le salut par les oeuvres, mais ne doit ni décourager la piété ni surtout détourner de la charité. L'homme doit se conformer aux lois divines sans en attendre de retour. On a vu là, sans doute abusivement, un élément annonçant la prédestination. On voit cependant dans cette doctrine une émergence forte du libre arbitre et un appel à la volonté éclairée par la foi autant que par la raison. Même le Décalogue ne dispense par l'homme de faire preuve de discernement. Cet avènement du libre arbitre a des conséquences exceptionnelles. Outre qu'il privilégie contre l'autorité ecclésiale la capacité de l'individu à agir par lui-même, il donne au droit naturel une ouverture contractuelle qui correspond pleinement à l'évolution économique et sociale du temps, légitimant le contrat d'association. En cela Occam se pose en défenseur des libertés, franchises et coutumes propres à faire vaciller les grands pouvoirs. Le pragmatisme occamien qui porte à rejeter la transsubstantiation met la théologie au rang de science pratique.

 

Sur le plan politique, le système d'Occam instaure une relativité qui sans nier la légitimité du pouvoir ne reconnaît pas son absolutisme de principe. L'ordre en place peut être considéré comme raisonnable mais ne relève pas d'une transcendance immuable. La reconnaissance de l'individu doué d'une aptitude à exercer un libre arbitre implique sa capacité à renouveler ou à modifier le pacte dans le respect du bien commun et du droit de chacun. Car la société n'est qu'une association d'individus. On mesure dans le contexte du Grand Schisme le poids d'une telle argumentation qui, si elle préconise la mise à distance du pouvoir spirituel, n'en est pas pour autant révolutionnaire car le pouvoir donné au prince procède de la volonté divine. Bien que fortement combattue, l'influence d'Occam eut d'importants prolongements, en France notamment avec Jean Buridan et Nicolas Oresme. Néanmoins, mettant en cause l'autorité ecclésiale, Occam ne propose pas d'alternative. Il introduit un débat fondamental qui oppose les modernes aux anciens dont la référence majeure reste le thomisme, ce qui lui valut d'être considéré comme une source de Luther. La crise ouverte à la fin du XIVe siècle est aggravée dans le domaine théologique par la routine scolastique qui entrave le renouvellement nécessaire sur le plan théorique, ce que compense à peine le recours à la mystique incarné par Maître Eckhart. Ce manque de dynamisme a découragé une relecture des textes que l'humanisme allait relancer vers d'autres voies, tandis que l'Église officielle adoptait une attitude plus pragmatique, plus concrète et plus proche de la foi populaire dont témoignent la pastorale et la théologie de Gerson (Georges Jehel, Philippe Racinet, Education et cultures dans l'Occident chrétien: du début du XIIe siècle au milieu du XVe siècle, 1998 - books.google.fr).

 

La grande prostituée et le grand schisme

 

Comment, allĂ©guait Pierre d'Ailly, supposer que saint Jean n'ait rien prĂ©dit d'une telle calamitĂ©, qui dure depuis plus de quarante ans, et que d'autres prophètes de moindre importance ont annoncĂ©e ? Ces derniers mots se rapportent aux aux prĂ©dictions de saint Cyrille, de Joachim de Flore et de sainte Hildegarde, qui passaient pour contenir de nombreuses allusions aux Ă©vĂ©nements du Grand Schisme. Pierre d'Ailly n'en dĂ©couvrait pas moins dans les chapitres XVII et XVIII de l'Apocalypse. La «grande prostituĂ©e» avec laquelle «les rois de la terre ont commis la fornication» (XVII, 1, 2) n'est autre, suivant lui, que la partie de l'Église qui est responsable du Grand Schisme et qui l'a entretenu grâce Ă  la faveur des rois et des princes de la terre. Cette femme est assise sur une « bĂŞte » c'est-Ă -dire appuyĂ©e sur une grande puissance sĂ©culière qui use d'un pouvoir dĂ©raisonnable et tyrannique. La bĂŞte est de couleur Ă©carlate, parce que les tyrans ont, pendant le Schisme, versĂ© Ă  flots le sang chrĂ©tien. Quant Ă  la prostituĂ©e, elle est vĂŞtue de pourpre, allusion Ă  la puissance et Ă  la richesse excessives de l'Eglise. Selon Pierre d'Ailly, le Grand Schisme Ă©tait le châtiment qui s'Ă©tait abattu sur l'Eglise romaine. Depuis le schisme oriental et et la perte de JĂ©rusalem, s'Ă©tait trop prĂ©occupĂ©e de ses intĂ©rĂŞts temporels, recherchant dans ce dessein la faveur des monarques, mais nĂ©gligeant la rĂ©duction des schismatiques grecs, le recouvrement des Lieux saints, la conversion des infidèles, d'une manière gĂ©nĂ©rale, tous les intĂ©rĂŞts spirituels de la chrĂ©tientĂ©. Ce qui prouve, continue Pierre d'Ailly, que la «prostituĂ©e» du chapitre XVII ne doit pas s'entendre littĂ©ralement de la ville de Babylone, c'est que sur son front est inscrit le mot Mysterium; c'est quelque grande citĂ© mystique, non point seulement, comme on l'a dit, Rome, oĂą le Schisme a pris naissance, mais toute l'obĂ©dience schismatique ou, d'une manière plus gĂ©nĂ©rale tout ce que Pierre d'Ailly appelle «l'Eglise des mĂ©chants,» (Ecclesia malignantium). En partisan de la papautĂ© avignonnaise, il voit dans la «grande prostituĂ©e» l'Eglise romaine, qui Ă©tend son autoritĂ© spirituelle et mĂŞme, au dire de ses flatteurs. sa souverainetĂ© temporelle sur les princes de ce monde. Quant Ă  l'Ange qui descend du ciel, en criant : «Elle est tombĂ©e, la grande Babylone !» (XVIII, 1,2). Pierre d'Ailly n'a pas, comme on pourrait le croire, l'audace de se reconnaĂ®tre en lui; mais il est tentĂ© de l'assimiler Ă  quelqu'un des saints personnages qui ont «prĂ©dit» le Grand Schisme d'Occident, saint Cyrille ou saint Methodius (NoĂ«l Valois, un ouvrage inĂ©dit: de pierre d'Ailly: le de persecutionibus ecclesiae, Bibliothèque de l'École des chartes, Vol. 65, 1904 - www.persee.fr).

 

Le crĂ©ateur de l'expression medium aeuum vers 1350, PĂ©trarque (1304-1374), avait le sentiment de vivre en un temps de saletĂ©, de bassesse et d'ordures, entre un lointain passĂ© brillant et un avenir hypothĂ©tique qui serait peut-ĂŞtre lui aussi de nouveau brillant. Le point de vue de PĂ©trarque qui se sent Ă©tranger Ă  son Ă©poque se fonde sur trois sortes de considĂ©rations; il pense d'abord en patriote, amer de voir l'Italie divisĂ©e en petits Etats et soumise aux Ă©trangers, elle qui avait Ă©tĂ© la maĂ®tresse du « monde », au temps de l’Empire romain ; en second lieu, en tant que chrĂ©tien, il est dĂ©goĂ»tĂ© : la papautĂ©, exilĂ©e Ă  Avignon, "nouvelle Babylone", vit dans la richesse et le vice et corrompt la religion qu'elle est chargĂ©e de dĂ©fendre; enfin l'Ă©crivain latin est dĂ©sespĂ©rĂ© : non seulement les Ĺ“uvres des grands poètes et prosateurs latins ont en partie disparu, victimes de l'incurie, mais on ne les Ă©tudie plus; dans les UniversitĂ©s, depuis le triomphe des Ordres mendiants, Dominicains et Franciscains, on n'enseigne que la dialectique et une thĂ©ologie toute nourrie d'Aristote (en latin) et de ses commentateurs arabes; la poĂ©sie d'un Virgile ou d'un Ovide est condamnĂ©e en tant que paĂŻenne et dangereuse pour la foi par certains Dominicains ; l'Ă©loquence est morte (Jacques Chomarat, Mots et croyances: PrĂ©sences du latin, II, 1995 - books.google.fr).

 

Le séjour des papes à Avignon, à partir de Clément V jusqu'à Benoit XIII, fut une ère de prospérité pour cette ville; mais il semble aussi, et du temps de Pétrarque au moins le fait est incontestable, que ce fut une ère de dépravation morale dont on n'a pas d'exemple ni avant ni après. D'ailleurs le trésor pontifical ne dédaignait pas de s'engraisser aux dépens des nombreux lupanars dont les papes ou antipapes autorisaient généreusement l'utile industrie. En ceci, Avignon n'eut rien à envier à Rome; car l'impôt perçu à Rome sur la prostitution, fut également perçu à Avignon dès les premiers jours du schisme d'Occident. Ce fut une importation très utile de Clément V, à qui l'évèque Guillaume Durand se plaignait amèrement, en 1311, des extorsions du barisel ou maréchal du pape, chargé de percevoir cet impôt inique, et de l'immoralité de l'impôt lui-même (Th.-F. Debray, Histoire de la prostitution et de la débauche chez tous les peuples du Globe depuis l'Antiquité la plus reculée jusqu'à nos jours, 1879 - books.google.fr).

 

Pendant le schisme, sainte Catherine de Sienne dénonce avec violence les débauches des clercs, sainte Brigitte compare l'Église à un lupanar. Sainte Colette passe des nuits d'épouvantable angoisse à considérer dans ses visions l'épouse mystique du Christ souillée d'horribles fautes et, plus tard, Denys le Chartreux, sortant d'une extase, déclarera avoir vu l'Église totalement défigurée; du sommet de la tête à la plante des pieds, on n'y peut plus trouver de pureté (Henri Daniel-Rops, L'Église de la Renaissance et de la Réforme, Tome 1, 1955 - books.google.fr).

 

Le rouge est la couleur de la grande prostituée de l'Apocalypse de Jean.

 

Les "marchands" seraient les commerçants de Babylone promise à la destruction dans le même livre (chapitre XVIII).

 

"ruffiens" : rufian, ruffien : de l'italien "ruffiano" de "roffia" saletĂ© du germanique "hruf" esquarre. Renvoie aussi au latin rufus : rouge. Mais aussi Ă  rufius : lynx, loup-cervier (cf. "loups").

 

Le féminin louve du latin lupa = louve, prostituée d'où lupanar (Antoine Furetière, Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes, et les termes de toutes les sciences et des arts, Tome 2, 1690 - books.google.fr).

 

On peut rapprocher la flamme rouge de Vigenère de la Babylone de l'Apocalypse :

 

Car ceste flamme azurée, rouge, & iaulnastre, comme plus grossiere & materielle qu'elle est, tend tousjours à exterminer et detruire ce qui la nourris & maintient ; ainsi que font les iniquites, la conscience qui les heberge, afin, de se constituer la perdition et la ruine de tout ce qui lui adhere en bas (Blaise de Vigenère, Traicté du feu et du sel, 1622 - books.google.fr).

 

Babylone, symbolisée par une prostituée habillée de pourpre, assise sur la bête qui va à sa perdition, court à sa ruine, dieu ayant eu "souvenance de ses iniquités". On scécrira en "voyans la fumée de son bruslement" (La sainte Bible, qui contient l'Ancien et le Nouveau Testament, c'est à dire l'ancienne et la nouvelle Alliance, Tome 2, 1684 - books.google.fr).

 

"odieuse"

 

Un des amis de Pétrarque, Guglielmo da Pastrengo, venu lui rendre visite à Avignon, n'a pu l'y trouver, car il était parti se réfugier au bord de la Sorgue : dans la Var. 13 (=Dis. 1) écrite à Vaucluse en 1338-1339, Pétrarque lui présente ses excuses en lui exposant les raisons de cette fuite. Il insiste sur les peines et les douleurs liées à la vie citadine. [...] Dans les phrases précédentes, il avait introduit, pour se justifier auprès de son ami, cette opposition entre urbs et rus; la cité d'Avignon est qualifiée d'odieuse (odiosam semper civitatem), l'adverbe semper venant renforcer le caractère irrémédiable de ce défaut, tandis que la campagne (rure) est un refuge, à l'écart des hommes (latebris); à peine revenu à Avignon avec l'intention de voir son ami, Pétrarque n'a pas résisté très longtemps et a préféré repartir (Laure Hermand-Schebat, Les lettres de Pétrarque, L'Italie et la France dans l'Europe latine du XIVe au XVIIe siècle, 2006 - books.google.fr).

 

L'aberration apparente de la durĂ©e humaine et de ses «vicissitudes», histoire collective ou initiative individuelle, ne peut ĂŞtre mieux illustrĂ©e selon Boèce que par la Roue de la Fortune et son schĂ©ma alternatif et rĂ©pĂ©titif qui justifie en fait l'indiffĂ©rence Ă  l'histoire et Ă  l'Ă©vĂ©nement signifiant. [...] Si cette insignifiance ne doit trouver sa «consolation» que dans la mĂ©ditation thĂ©ologique proposĂ©e par «Philosophie», la nostalgie d'un bonheur d'ĂŞtre dans le temps n'en demeure pas moins ce qu'elle Ă©tait, toute humaine, dans la tradition classique, grecque et latine, dont Boèce est l'hĂ©ritier. Pour lui, Boèce, pourtant laborieusement platonicien, l'âge d'or est chargĂ© de signifier cette bĂ©atitude d'un temps originel qui ne serait pas encore du temps dĂ©gradĂ© : «bienheureux le premier âge des hommes». [...] Et Boèce emprunte a HĂ©rodote et Ă  HĂ©siode, Ă  Virgile et Ă  Ovide l'idyllique description d'un bien-ĂŞtre tout entier dĂ» Ă  la nature comparĂ© Ă  ce que sera l'horreur d'une dĂ©naturation quand la culture, muant l'or pur de l'ĂŞtre en l'or impur de l'avoir, apportera aux hommes, avec la pourpre, le goĂ»t du sang. [...] Ce retour brutal au prĂ©sent renvoie Boèce Ă  la nostalgie d'inaccessible tempĂ©rance de l'âge primitif. [...] Cette nostalgie d'ascĂ©tisme pastoral, on la retrouve mĂŞlĂ©e de critique sociale ou justifiĂ©e, «moralisĂ©e» par l'ascĂ©tisme biblique, chez ces hĂ©ritiers de Boèce que sont Jean de Meung, Dante, ou Lydgate. Au chant XXII du Purgatoire, Dante unit dans une vision continue tempĂ©rance classique et ascĂ©tisme biblique : «Le premier siècle eut l'Ă©clat de l'or : la faim donnait de la saveur aux glands; la soif donnait Ă  chaque ruisseau le goĂ»t du nectar. Des rayons de miel sauvage et des sauterelles furent les seuls mets dont se nourrit Baptiste au dĂ©sert; c'est pourquoi il est environnĂ© de gloire, et aussi grand que le montre l'Évangile» (trad. H. Hauvette) (Gisèle Venet, Temps mythiques et temps tragique : du moyen âge au baroque, Age d'or et Apocalypse, 1986 - books.google.fr).

 

La résolution du grand schisme pour quoi faire

 

Sachant que l'on se trouve avec ce quatrain, selon la datation Ă©tablie par la mĂ©thode de ce site, quasiment Ă  la fin des 693 annĂ©es supposĂ©es imparties Ă  l’existence de l’Islam, mais Ă  partir de 1558, il est bon de rappeler l’espĂ©rance de Pierre d’Ailly :

 

Dans l'avenir, il croit voir encore annoncĂ©e par l'Apocalypse la victoire dĂ©finitive des ChrĂ©tiens sur les Musulmans : l'armĂ©e chrĂ©tienne, «toute blanche de saintetĂ©,» est figurĂ©e par le «cheval blanc» du chapitre XIX, verset 11 ; elle sera commandĂ©e par le roi des Grecs ou ou le roi des Romains, assistĂ© d'un saint prĂ©lat, que saint Jean reprĂ©sente sous les traits d'«un ange debout dans le soleil» (XIX, 17). Enfin, au chapitre XX, verset 7, Pierre d'Ailly dĂ©couvre l'annonce de l'apparition de l'AntĂ©christ; un peu plus loin (XX, 11), celle du Jugement dernier. Le plus intĂ©ressant serait de fixer la date de cette crise suprĂŞme. Plus d'un auteur s'y est essayĂ© en s'appuyant prĂ©cisĂ©ment sur ce passage de l'Apocalypse. Le verset 7 du chapitre XX, rapprochĂ© du verset 2, semble contenir en effet une indication chronologique, qu'on n'a eu garde de nĂ©gliger : «Et après que les mille ans seront accomplis, Satan sera dĂ©liĂ©, et il sortira de sa prison...» Nombre de commentateurs ont Ă©tĂ© convaincus qu'il y avait lĂ , inscrite de la main mĂŞme de saint Jean, la date prĂ©cise de l'apparition du fameux AntĂ©christ. Mais quel sera le point de dĂ©part de ces mille ans? LĂ  recommence la difficultĂ©. Est-ce la naissance de JĂ©sus-Christ ? Est-ce la mort du Sauveur ? Est-ce le baptĂŞme de Constantin ? Tous ces systèmes ont eu leurs partisans, mais sont discrĂ©ditĂ©s, par la raison que le Xe, le XIe et le XIVe siècles se sont Ă©coulĂ©s sans que se produisĂ®t la venue de l'AntĂ©christ. Pierre Auriol et Nicolas de Lyre ont bien proposĂ© comme points de dĂ©part, l'un la victoire de Calixte II sur l'empereur Henri V dans la Querelle des Investitures, l'autre l'approbation des ordres de saint Dominique et de saint François. Mais Pierre d'Ailly ne trouve pas ces faits assez considĂ©rables pour avoir pu ĂŞtre annoncĂ©s en ces termes par saint Jean. Il conteste notamment que la puissance du dĂ©mon ait Ă©tĂ© plus rĂ©frĂ©nĂ©e par les deux ordres des Dominicains et des Franciscains que par les autres, fait remarquer que plusieurs de ces religieux ont jouĂ© un rĂ´le nĂ©faste dans le Grand Schisme et qu'en tous cas les frères Mineurs ou PrĂŞcheurs paraissent aujourd'hui bien dĂ©chus de leur puretĂ© primitive et de la saintetĂ© de leurs premiers fondateurs. Son avis est qu'il faut maintenir la naissance du Sauveur comme point de dĂ©part des mille annĂ©es de l'Apocalypse, mais attribuer Ă  ce nombre une valeur indĂ©terminĂ©e. C'Ă©tait dĂ©jĂ  l'opinion de Nicolas de Lyre, et Pierre Auriol disait lui-mĂŞme : «Laissons Ă  l'Esprit-Saint le soin d'interprĂ©ter ce mystĂ©rieux nombre !»

 

Sur la date de la défaite du Mahométisme, Pierre d'Ailly espérait aussi trouver quelque renseignement précis dans les écrits des astrologues. Mais, suivant son maître Albumazar, la durée du règne de l'Islamisme n'aurait dû être que de 693 ou de 584 ans. Or, un bien plus grand nombre d'années s'était écoulé déjà, au temps de Pierre d'Ailly, depuis la fondation du Mahométisme, et notre auteur éprouvait à expliquer ces chiffres d'Albumazar le même embarras qu'à interpréter le nombre 666 de l'Apocalypse. Il en venait à se demander s'il ne fallait pas faire partir ces 584 ou ces 693 ans de l'époque de la plus grande extension du «royaume des Arabes,» c'est-à-dire seulement de la fin du XIe siècle; mais il demeurait perplexe, d'autant que, par un autre calcul, Albumazar assignait 1460 ans à la durée de la religion chrétienne et qu'en appliquant le même principe à la religion mahométane, on serait arrivé à faire durer celle-ci 1151 ans. Ces difficultés inextricables auraient dû dégoûter Pierre d'Ailly des spéculations astrologiques aussi bien que de l'interprétation aventureuse de l'Apocalypse. L'une et l'autre méthodes étaient également impuissantes à lui livrer le secret que son esprit curieux poursuivait avec acharnement, la date de la fin du monde (Noël Valois, un ouvrage inédit: de pierre d'Ailly : le de persecutionibus ecclesiae, Bibliothèque de l'École des chartes, Vol. 65, 1904 - www.persee.fr).

 

Orkhan, fils et successeur d'Osman, fondateur de la dynastie ottomane, profitant des luttes de factions pour le trĂ´ne de Constantinople, arrache progressivement Ă  l'empire la Bithynie, avec Prousa, Iznik (l'antique NicĂ©e), NicomĂ©die, et enfin Gallipoli, sur la cĂ´te europĂ©enne des Dardanelles, ce qui lui assurait le contrĂ´le des DĂ©troits et l'accès Ă  la pĂ©ninsule balkanique. Les Byzantins s'Ă©taient rendu compte bien trop tard que cet alliĂ© incommode, que les diffĂ©rentes factions avaient cru pouvoir utiliser, Ă©tait sur le point d'Ă©trangler leur capitale. Pris entre une Thrace et une Bithynie ottomanes, l'Empire byzantin ne contrĂ´lait plus que Constantinople et les environs du Bosphore. Face Ă  ce nouveau pĂ©ril ottoman, qui n'Ă©tait qu'Ă  deux pas du Danube, l'Europe s'aperçoit brusquement qu'il n'y a pas de temps Ă  perdre. Innocent VI rĂ©unit aussitĂ´t une confĂ©rence Ă  Avignon, mais c'est un solennel fiasco. NĂ©anmoins, l'Europe bouillonnait Ă  nouveau d'une passion pour la croisade : en 1370, le nouveau pape, le cardinal Pierre Roger, choisit GrĂ©goire XI comme nom de règne, manifestant ainsi qu'il mettait ses pas dans ceux des trois grands pontifes de ce nom qui avaient brandi le drapeau de la croisade. Dès l'annĂ©e suivante, il dĂ©crète un nouveau passagium generale, tout en prĂ©parant le retour du Saint-Siège Ă  Rome : tels Ă©taient les deux axes de son programme, ardemment soutenus par les deux grandes saintes de l'Ă©poque, Brigitte de Suède et Catherine de Sienne. Cette dernière rĂŞvait d'inclure dans l'expĂ©dition les mercenaires professionnels des Grandes Compagnies, afin qu'ils se rĂ©concilient avec Dieu, tout en espĂ©rant que la croisade serait le moyen d'obtenir une paix, ou au moins une trĂŞve, entre entre les Anglais et les Français : elle avait rĂ©ussi Ă  gagner le frère de Charles V, Louis, duc d'Anjou, Ă  la cause du passagium. Le retour de la papautĂ© Ă  Rome, loin de donner le coup d'envoi Ă  la très attendue rĂ©forme de l'Église, dĂ©bouchait sur ce que l'on a appelĂ© le «Grand Schisme d'Occident»; les Anglais et les Français en guerre avaient la malchance de voir accĂ©der au trĂ´ne qui un enfant (Richard II), qui un pauvre dĂ©ment (Charles VI); en 1381, l'Angleterre subissait la «rĂ©volte des travailleurs», un mouvement populaire menĂ© par un chef Ă©nergique, Wat Tyler; en 1382, les Flandres Ă©taient ravagĂ©es par le soulèvement des tisserands de Gand, rĂ©bellion qui en dĂ©clenchait d’autres, un peu plus tard, Ă  Rouen et Ă  Paris; la peste, enfin, s'abattait une nouvelle fois sur l’Europe (Franco Cardini, Jean-Pierre Bardos, Europe et Islam: histoire d'un malentendu, 2000 - books.google.fr).

 

A cette pĂ©riode de son règne personnel de Charles VI, - si l'on peut appeler règne personnel celui d'un jeune homme Ă  peine majeur, hĂ©sitant entre les conseils de ses oncles et ceux des anciens ministres de son père, - se rapportent deux projets importants en eux-mĂŞmes, mais qui ne furent pas exĂ©cutĂ©s : celui d'une croisade, et celui d'une expĂ©dition Ă  Rome, dans le but de forcer Boniface IX Ă  la «cession». P. d'Ailly a-t-il Ă©tĂ© Ă©tranger Ă  ce projet de croisade, lui qui, Ă  peine prĂŞtre, dès 1377, y faisait allusion dans son panĂ©gyrique de saint Louis prĂŞchĂ© Ă  Navarre; qui en parlait avec feu Ă  son clergĂ© dans un synode, vers 1398; qui, en 1410, accordait des indulgences Ă  ceux qui iraient en Prusse secourir les chevaliers teutoniques ? Quant Ă  l'expĂ©dition de Rome, c'eĂ»t Ă©tĂ© un moyen, mais un moyen violent et douteux, - puisqu'on usa en vain d'une semblable mesure en 1398 contre BenoĂ®t XIII Ă  Avignon - de faire cesser le schisme (Louis-Alphonse Rambure, Pierre D'Ailly et ses historiens, 1887 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Si on prend 2249 et 524, date de la rédaction de la Consolation par Boèce, un an avant sa mort, on obtient la date pivot 1386. Ce serait à cette époque que Chaucer revoit sa traduction de la Consolation de Boèce en anglais, effectuée au début des années 1380.

 

Chaucer, après 1386, subit les conséquences de la disgrâce de son protecteur Jean de Lancastre et vit de 1386 à 1399 dans une relative obscurité. Le nouveau roi, Henri de Lancastre, l'en sortira pour bien peu de temps (Chaucer meurt en 1400). Chaucer avait suivit les chances diverses de la fortune de son patron; il subit l'exil, la prison ; il fut enfermé pendant trois années à la Tour de Londres (Jacques Kooijman, Envoi de fleurs : à propos des échanges littéraires entre la France et l'Angleterre sous la guerre de Cent Ans, Études de langue et de littérature françaises offertes à André Lanly, 1980 - books.google.fr).

 

Chaucer first encountered Boethius through Jean de Meun, who drew on it for Le Roman de la Rose and translated it into French prose as Li Livres de confort, which Chaucer may have known. In the 1380s Chaucer embarked on his own translation, Boece, and must have completed it by 1387, when Thomas Usk used it for his Testament of Love. Although Boethius'original alternates between prose and verse sections, both de Meun and Chaucer translate into prose only, thus enabling a more literal translation, intended to make the text more directly comprehensible to vernacular readers. In so doing they were taking the same decision as had Boethius himself when translating Aristotle and Plato. Chaucer clearly had access to a glossed Latin text of the Consolation, and also to Trevet's commentary, as well as to de Meun's French translation. His Boece thus reflects the interpretative tradition of Conches, as well as Trevet and de Meun (G. A. Rudd, Geoffrey Chaucer, 2005 - books.google.fr).

 

The English poet Geoffrey Chaucer (ca. 1340–1400) later retained this ironic equation between the mythic spirits of literary inspiration and prostitutes in his translation of the work, Boece, in which Philosophy refers to the Muses as “commune strumpettis" (common strumpets) in Prose Section One (Encyclopedia of Prostitution and Sex Work, Volume 1, 2006 - books.google.fr).

 

1386 tombe aussi pendant le Grand schisme, Clément VII (Robert de Genève) étant antipape de 1378 à sa mort en 1394, et Urbain VI élu aussi en 1378, pape de Rome jusqu'en 1389. A l'époque, les Anglais tenaient pour Rome, les Français pour Avignon (fr.wikipedia.org - Grand schisme d'Occident).

 

Schismes au XXe siècle

 

Si on se replace, comme pour les deux quatrains suivants, trois cents ans avant (X, 100 : "des ans plus de trois cens"), on entrevoit les schismes dans l'Eglise cacatholique tentĂ©s ou rĂ©alisĂ©s par les Etats communistes europĂ©ens et asiatiques.

 

Datée du 25 février 1951, la huitième lettre pastorale du cardinal Tisserant fournit un ultime état des Eglises du silence, qui excède largement sa juridiction, car il passe en revue tous les pays sous emprise communiste, Chine comprise. Pour les Églises catholiques de rite oriental, «ce qui est advenu en 1945 en Galicie occidentale et en 1948 en Roumanie est arrivé les deux années suivantes, 1949 et 1950, dans les provinces des Carpathes de la Tchécoslovaquie et en Slovaquie. En tous ces territoires, les église catholiques de rite oriental ont été enlevées aux catholiques, fermées ou livrées aux dissidents, pendant que les prêtres latins, arrachés à la direction de leurs évêques et très diminués en nombre, procurent difficilement aux fidèles des deux rites les secours religieux, au milieu de difficultés de tous genres, qui augmentent tous les jours», explique-t-il. Quant aux Églises latines des démocraties populaires, elles sont promises, selon lui, au sort d'Églises nationales coupées de Rome, après rupture des relations diplomatiques avec le Saint-Siège et expulsion de ses derniers représentants (Étienne Fouilloux, Eugène, cardinal Tisserant (1884-1972), 2011 - books.google.fr).

 

Bien que depuis toujours le Saint-Siège stipule qu'il n’y a qu’une seule Église en Chine et que depuis septembre 2018, le Saint-Siège a le pouvoir d'opposer son veto à tout évêque recommandé par la Chine, dans les faits, depuis 1957 le gouvernement chinois a essayé de nationaliser l’Église, obligeant les prêtres et évêques chinois désirant rester fidèles au Saint-Siège à vivre clandestinement, créant en conséquence une deuxième Église dite «souterraine» (fr.wikipedia.org - Eglise catholique en Chine).

 

En Roumanie, l'Église catholique de rite latin s'est vu proposer vers 1950 de rompre avec Rome et de former une Église catholique latine nationale. La hiérarchie latine refusa de retenir cette demande. Mis en demeure de céder à l'État, évêques, prélats et prêtres préférèrent la prison au schisme. Des centaines d'arrestations furent alors opérées. Quatre des évêques latins devaient mourir en prison. Privée de sa hiérarchie de la plupart de ses prêtres, de tout lien avec Rome, l'Église s'efforça de persévérer dans son existence à la faveur de sa bonne organisation paroissiale (Jean Georges Henri Hoffmann, Eglises du silence: à l'Est, ténèbres et lumières, 1967 - books.google.fr).

 

Acrostiche : LNAT

 

La marque LNAT, avec ligature AT, est inédite. Elle pourrait être lue L.N (...) AT (...). On connaît à Arezzo, Fiesole et Rome l'estampille ponctuée L.N.AT avec ligature AT (CVArr, p. 281, no 1073, h) (Fouilles de l'École française de Rome à Bolsena (Poggio Moscini), 1968 - books.google.fr, Concetta Masseria, 10 anni di archeologia a Cortona, 2001 - books.google.fr).

 

Pétrarque est né à Arezzo, le 20 juillet 1304, et décédé à Arquà, près de Padoue, le 18 juillet 1374 (G. Jacquemet, Catholicisme: hier, aujourd'hui, demain, Tome 11, 1948 - books.google.fr).

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