Edit d'Amboise et Capucins

Edit d'Amboise et Capucins

 

X, 94

 

2246-2247

 

De Nismes, d'Arles et Vienne contemner,

N'obeyr tous a l'Ă©dict Hespericque,

Aux labouriers pour le grand condamner,

Six eschappez en habit seraphicque.

 

Ce quatrain se place temporellement dans la même période que les deux précédents.

 

"expiation hespericque" : Horace

 

"hespericque" apparaĂ®t dans l’Almanach de Nostradamus pour 1565 :

 

Et que Iupiter & le soleil & Iupiter en leurs sieges plus hautz est que les roys, monarques & leurs magistratz feront observer leurs loix, edictz & humaines constitutions, accompagnees avecques les divines, tellement que le tout redondera à grande paix & tranquillité : & que la

pestilance sera si grande que ne cessera que l'expiation hespericque ne soit faicte, ne passant : mais Ă  cause que le soleil est dans la neuviesme, qui signifie roys voyager & visiter leurs royaumes & terres pacifier par tout.

 

(Allusion au grand tour de France de Catherine de Médicis et de son fils le roi Charles IX, initié le 24 janvier 1564) (Patrice Guinard, Almanach pour l'an 1565 (I) : Présages pour l'année et le premier trimestre, 2018 - cura.free.fr, Manuel Sánchez, Cronología Profética de Nostradamus. Tomo 1 - 1500/1599, 2016 - books.google.fr).

 

La pièce qui évoque de manière la plus explicite la reconstruction de la Ville est la sixième ode romaine. Dans cette ode célèbre, Horace interpelle la jeunesse et l’enjoint à reconstruire en priorité les demeures des dieux : il s’agit d’une nécessité vitale pour l’Empire, d’une condition sine qua non à la survie et à la grandeur de la Ville (Odes III, 6, vers 1 à 8) :

 

Tu laveras, innocent, les fautes de tes aînés, Romain, tant que tu n’auras pas  restauré les espaces sacrés, les demeures des dieux en ruine et leurs images souillées d’une noire fumée. C’est de ta soumission aux dieux que tu tiens ton empire : de cela fait le principe et la fin de toute entreprise. Négligés, les dieux ont envoyé mille maux à l’Hespérie endeuillée.

 

Le ton de ces vers est grave. Outre l’apostrophe solennelle au Romain, le système de futur (lues, refeceris, pour reficias), la mise en valeur de donec en spondée avant la coupe, contribuent à faire de l’avertissement d’Horace une prédiction d’ordre quasi oraculaire. Le polyptote deis / dei / deorum contribue à donner une certaine solennité à ces vers, mais aussi à placer les dieux au centre du propos : Horace instaure comme en I. 2  un metus deorumet fait de la restauration des temples et de la piété la première des étapes de la reconstruction de la Ville et de l’expiation du crime romain.

 

En mettant en valeur l’image du sang entachant l’espace nouvellement consacré (fluxit in terram), ces derniers vers rappellent que dès le commencement, la Ville de Rome fut souillée. Cette image de la souillure réapparaît dans l’ode III. 6 pour évoquer les guerres civiles à travers le verbe luere qui rappelle l’expression expiari scelus (Odes I, 2, 29). Elle intervient d’ailleurs à plusieurs endroits du recueil : en II. 1, 22, les chefs des guerres civiles sont sordidi, et Actium est présenté dans l’ode I. 37 comme la victoire de Rome sur des forces impures, Cléopâtre projetant de lancer à l’assaut du Capitole son troupeau d’hommes contaminés (contaminato morbo, vers 9 et 10). La reconstruction des temples de Rome s’apparente ainsi à un geste expiatoire, similaire à une cérémonie de lustratio ou de procuratio, mais aussi nécessaire pour rompre les acerba fata, et mettre fin à une forme de prédestination tragique (Maryse Schilling, Rome et le prince dans les ”Odes” d’Horace :construction d’une mythologie impériale romaine, 2018 - tel.archives-ouvertes.fr).

 

L’Hespérie est l’Italie par rapport à la Grèce, et l’Espagne par rapport à l’Italie (Gaffiot).

 

On retrouve le livre III des Odes d'Horace que l'on rencontre dans le quatrain I, 8 (Chine et Venise) avec ses "lois vaines" daté de 1564, au temps ou Nostradamus écrivait son almanach de 1565.

 

"edict hespericque"

 

L'"edict hespericque" vise donc l'expiation des crimes de la guerre civile, en France, autrement guerres de religions.

 

La première guerre dura un an (1562-1563) et se termina par l'édit d'Amboise, moins libéral que l'édit de janvier, mais qui valut cependant à la France quatre années de paix. L'enjeu essentiel de la première guerre (avril 1562- mars 1563) consiste à s'emparer des villes qui tombent en grand nombre entre les mains des protestants dans tout le sud de la France. Dans la vallée de la Loire, la réussite immédiate est spectaculaire avec les surprises d'Orléans,  Blois, Tours et Angers, même si les forces royales reprennent assez rapidement les trois dernières villes. Pendant toutes ces opérations qui concernent surtout un arc de cercle allant du Poitou à la Normandie, la ville de Nantes se mobilise pour sa défense sous la tutelle du duc d'Étampes, resté fidèle au pouvoir royal (Guy Saupin, Nantes au temps de l'Édit, 1998 - books.google.fr).

 

Après l'échec de la conjuration d'Amboise inspirée par le cadet des Bourbons, Louis de Condé, la reine-mère Catherine de Médicis va essayer de faire prévaloir une politique de conciliation. Amorcée dès le printemps 1560 par des édits  d'amnistie et de tolérance, cette politique prend corps à l'avènement de Charles IX qui donne la régence à Catherine. Il s'agit de refaire l'unité religieuse du royaume par un concile national qui  réalise un accord doctrinal et la réforme de l'Église. Présenté par le chancelier de L'Hospital aux États généraux (Orléans, 1560; Pontoise, 1561), ce programme inspire le colloque de Poissy (sept. 1561). Devant la cour, le légat du pape et un grand nombre de cardinaux et d'évêques, douze théologiens protestants, parmi lesquels Théodore de Bèze, exposent la foi réformée; leurs propos, notamment sur l'Eucharistie, font scandale, et les  discussions poursuivies ensuite en réunions restreintes, auxquelles participe le jésuite Lainez, se révèlent vaines. Cependant, l'édit de janv. 1562 accorde aux protestants, non seulement la liberté de conscience, mais le libre exercice de leur culte dans les faubourgs des villes et la reconnaissance de leur organisation ecclésiastique. Jamais ils ne retrouveront un statut aussi libéral. Effectivement les années 1560-62 ont permis au protestantisme de faire d'énormes progrès : les Églises se multiplient (2150 en 1562, selon Coligny), de partout on écrit à Genève pour demander des pasteurs. Confiants dans leur force, les protestants acceptent mal de s'en tenir aux limites de l'édit, surtout dans les villes du Midi où l'autorité municipale leur est acquise. Dès l'été 1561, on les voit s'emparer de force de certaines églises pour en faire leur lieu de culte. De leur côté, les catholiques se préparent à riposter, en exploitant l'hostilité populaire contre l'élite protestante. Aussi l'affaire de Vassy (1er mars 1562) n'est-elle qu'un épisode sanglant parmi beaucoup d'autres, mais elle porte au niveau de la cour et de la France du Nord une guerre civile déjà ouverte dans le Midi. Les opérations officielles de la « première guerre de religion » (siège de Rouen, bataille de Dreux) et l'assassinat de François de Guise, en éliminant presque tous les chefs de parti, permettent à la régente d'imposer l'édit de pacification d'Amboise (19 mars 1563), qui est en retrait par rapport à l'édit de janvier, le culte réformé est autorisé chez tous les seigneurs haut-justiciers, mais seulement dans une ville par bailliage. Tandis que cette paix est péniblement étendue dans les provinces, où l'affrontement a été très violent et les passions demeurent surexcitées (voyage de Charles IX, 1564-66), la révolte des Pays-Bas contre Philippe II, suivie de la répression par le duc d'Albe, pousse les huguenots, inquiets, à reprendre les armes (oct. 1567) (Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques, Tome 18, Letouzey et Ané, 1977 - books.google.fr).

 

Du côté catholique :

 

Les avantages faits aux réformés, en 1563, furent, à peu de chose près, ceux que Henri IV leur accordera en 1598. La paix d'Amboise aurait dû terminer la première guerre de religion, mais la régente avait fait de si grandes concessions aux vaincus que les gentilshommes protestants se considéraient comme étant au-dessus des lois générales du royaume. L'armée royale fut licenciée dans toute la France, tandis que dans les provinces du Midi la noblesse calviniste refusa d'obéir aux prescriptions de l'Edit et ne tarda pas à reprendre les hostilités (Richard de Boysson, L'invasion Calviniste en Bas-Limousin: Périgord et Haut-Quercy, 1920 - books.google.fr).

 

Plus objectivement, ce qui correspond aux vers 1 et 2 ("contemner" : latin "tenir pour nĂ©gligeable" et "n’obeyr") :

 

Pourquoi cet édit a-t-il été enregistré aussi rapidement? A l'image de l'édit de janvier 1562, le traité d'Amboise fut considéré, dès le début, comme un expédient, une solution provisoire répondant à une situation d'urgence. L'échec de la paix de janvier 1562 ne pouvait que conforter le Parlement dans ses doutes. Et puis, le texte même de la paix d'Amboise se référait à la réunion prochaine d'un concile national ou général dont les décisions seraient confortées par l'arrivée de la majorité royale. C'est ce que réclament les membres du Parlement depuis 1560. Dans les autres parlements du royaume, l'édit fut rapidement enregistré: le 10 avril à Bordeaux, le 15 avril à Rouen, mais seulement en juin à Dijon. A Aix-en-Provence, le parlement oppose un refus catégorique et s'érige même en véritable gouvernement catholique. Le 24 avril 1563, il est suspendu par ordre du roi et remplacé par un conseil provisoire, formé de membres du parlement de de Paris et du Grand Conseil. Le parlement de Toulouse publie l'édit mais interdit dans la ville l'exercice de la religion réformée et le droit de résidence aux huguenots. Il fallut quatre lettres de jussion pour annuler cette décision. La résistance des principaux parlements fut peu à peu brisée par l'intervention des envoyés du roi. Le partial Claude Haton épilogue ainsi : «Si tous les parlemens de France eussent faict ainsi que cil de Thoulouse, lesdictz huguenotz n'eussent pas esté si orguilleux qu'ilz furent» (Sylvie Daubresse, Denis Crouzet, Le parlement de Paris, ou, La voix de la raison: (1559-1589), 2005 - books.google.fr).

 

Nîmes, en Languedoc, dépendait du parlement de Toulouse.

 

L'édit d'Amboise ne fut-il pas mieux observé à Nîmes que l'édit de janvier. Loin de restituer les temples aux catholiques, les protestants ne songèrent qu'à les abattre. Le 11 mai 1563, sous la conduite du greffier Maurice Favier, Ils allèrent démolir le monastère de Saint-Sauveur de la Fontaine et en arrachèrent les arbres. Pendant trois mois le vandalisme promena ses ravages sur nos églises et sur nos cloîtres, dont les matériaux furent vendus par les consuls ou servirent à réparer les fortifications (A. Germain, Histoire de l'Eglise de Nimes, 1838 - books.google.fr).

 

Par les mesures du gouvernement, les catholiques reprendront du terrain si bien que le comte de Crussol pourra dire au roi en 1566 que le culte catholique est rétabli.

 

Le maréchal de Vieilleville, qui passait pour être «plus politique que religieux», arriva à Vienne le 5 juillet 1563. Les protestants de cette ville, qui étaient nombreux et influents, lui demandèrent la liberté de célébrer publiquement leur culte. Maugiron, à qui ils avaient d'abord adressé cette demande, s'en était remis, pour y répondre, aux soins de Vieilleville, qui lui-même en référa au roi. Or, comme l'édit d'Amboise (art. V) n'accordait l'exercice public de la religion réformée qu'aux villes qui en jouissaient au 7 mars 1563, et que, depuis la prise de Vienne par Maugiron, les protestants en avaient été privés, quoique le lieutenant général et le duc de Nemours leur eussent promis le contraire, le roi refusa d'accéder à leur demande. Ils se virent donc obligés de célébrer leur culte en dehors de Vienne, dans le faubourg de Sainte-Colombe, sur la rive droite du Rhône (Eugène Arnaud, Histoire des protestants du Dauphiné aux XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Tome 1, 1875 - books.google.fr).

 

Arles, en Provence, dépend du parlement d'Aix.

 

Par lettres du 24 novembre 1563, le Parlement d'Aix est suspendu et remplacé par une commission de quatorze magistrats dont onze appartiennent au Parlement de Paris et que préside le président de Morsan. L'installation des nouveaux magistrats a lieu en avril 1564. En décembre suivant, au cours du voyage entrepris par la reine mère et le jeune roi à travers le royaume, le Parlement de Provence est rétabli dans ses fonctions, à l'exception de quelques magistrats trop compromis ; mais, précaution  significative et non superflue, les remplaçants continuent à siéger avec les conseillers réintégrés et Morsan préside la compagnie jusqu'en février 1566. Puis, en 1567, une Chambre neutre, comprenant six conseillers protestants et cinq catholiques est instituée au Parlement d'Aix pour assurer l'exécution de l'édit d'Amboise. Elle est supprimée l'année suivante, tandis que recommencent que recommencent les hostilités.

 

Les lettres patentes de Charles IX du 5 décembre 1564 depuis Arles rétablissent le Parlement de Provence, qui avait été supprimé le 24 novembre 1563, sur des plaintes reconnues mal fondées (Inventaire sommaire des Archives départementales antérieures à 1790: Bouches-du-Rhône. Archives civiles. Série B., 1919 - books.google.fr).

 

Canicule et séraphin

 

Toujours avec Horace, on apprend que les laboureurs ("labouriez" qui est aussi le nom d'un oiseau : bondrée, buse), en avaient contre la canicule, ou étoile du "grand" chien, dans la Satire VII du Livre I qui parle justement du procès de Persius, homme riche de Clazomène, contre Rupilius, surnommé le Roi, comparé par le premier à la Canicule (Les poësies d'Horace, Tome 2, traduit Noël Etienne Sanadon, 1756 - books.google.fr).

 

La canicule fait les étés brûlants, brûlant étant la signification du terme hébreu zaraph qui a donné séraphins et séraphicques.

 

Leur nom ne signifie-t-il pas «brûlant» ? Dans le récit de la vocation d'Isaïe, l'année de la mort du roi Ozias, Yahvé apparaît assis sur un trône élevé : "Des séraphins se tenaient au-dessus de lui, ayant chacun six ailes : deux pour se couvrir la face, deux pour se couvrir les pieds, deux pour voler" (Isaïe, 6,1-2).

 

L'âme d'Hermotime de Clazomène s'absentait de son corps lorsqu'il le voulait, parcourait des pays éloignés, et racontait à son retour des choses surprenantes. Apparemment que Hermotime eut des ennemis. Un jour que son âme était allée en course, et que son corps était comme de coutume semblable à un cadavre, ses ennemis le brûlèrent et ôtèrent ainsi à l'âme le moyen de rentrer dans son étui (Jacques-Albin-Simon Collin de Plancy, Dictionnaire infernal, 1853 - books.google.fr).

 

L'"habit séraphicque" peut être le "vêtement" de flammes d'un bûcher, comme celui de Jean Rouguier brûlé à Paris en 1563 en place de Grève (Registres des délibérations du bureau de la ville de Paris, Volume 5, 1892 - books.google.fr).

 

Dans les langues sémitiques, l'un des noms du serpent, hayah, est celui même de la vie. C'est la vie au travers de l'épreuve. L'eau de vie est brûlante comme le venin du serpent. Le séraphin aux six ailes qui imprima les stigmates à François d'Assise l'a fait sur la demande que celui-ci avait formulée d'éprouver en son corps les souffrances de Jésus sur la croix, là où, selon le mot de saint Bonaventure, Jésus est mort dans un excès d'amour. L'amour caractérise les séraphins dans la théologie de Denys l'Aréopagite et de Thomas d'Aquin. Le baiser divin d'amour dans lequel, selon la tradition juive, sont morts Aaron et Miryam, est l'accomplissement de l'union entre le ciel et la terre dans les courants cosmiques évoqués par Guénon. Une troisième évocation de la source de vie se trouve dans Ezéchiel et ses visions où apparaissent des êtres appelés hayot, c'est-à-dire précisément des «vivants», des «êtres ayant en eux la vie» suivant l'expression de Rachi commentant l'apparition au 5e jour de la création, des nefesh hayah, et qui, pourvus de quatre ailes, ont des jambes de bovin, des mains d'homme et quatre faces, une d'homme, une de lion, une de taureau et une d'aigle. Là ce n'est plus, comme pour le rêve de Jacob, une réminiscence du temps d'Abraham et de Rébecca à Harân, mais le souvenir précis des colosses d'Assyrie que, suivant l'expression d'André Parrot, «Ezéchiel, sur la route de l'exil, a dû voir encore debout (à Khorsabad, après la destruction de Ninive), aux portes du palais en ruines». La description d'Ezéchiel correspond en effet aux sculptures assyriennes gigantesques du début du premier millénaire représentant des taureaux et des lions à tête humaine, ainsi que des hommes ailés, génies gardiens du palais et du temple, l'aigle étant évoqué par ses ailes. Une première vision qu'Ezéchiel datait du début des jours caniculaires, se passe auprès du «fleuve Kebar», un dérivé de cet Euphrate qu'Isaïe (8, 6 et 7) opposait aux eaux de Siloé. Les hayot, les êtres ailés, apparaissaient dans la nuée, tel un arc-en-ciel, (1, 28) et leurs ailes faisaient un bruit comme celui des grandes eaux (Ez 1, 24) et formaient comme les roues d'un char supportant une pierre de saphir sur lequel il y avait un aspect d'homme  (1, 26). Un an plus tard, à la fin de la période caniculaire, une autre vision présente au prophète le Temple de Jérusalem rempli d'iniquités, avec les femmes pleurant la mort de Tammouz (Ez 8, 10), mort située précisément à cette période de l'année. Ce Temple contenait l'arche d'alliance surmontée des chérubins s'identifiant  ici avec les Vivants de la première vision et, au-dessus d'eux, le prophète voit de même la pierre de saphir en forme de trône (Ez 10, 1). Cette pierre, le Zohar (1, 71 b), reprenant le texte d'Ezéchiel, la nomme la «pierre fondamentale», celle précisément sur laquelle Jacob reposait dans son sommeil, et dans l'apparence d'homme sur le trône de saphir le Zohar voit la forme de Jacob, reliant ainsi la vision du prophète au rêve du patriarche. Il faut attendre la fin du texte prophétique pour retrouver la source de vie, l'onction d'huile faite par Jacob sur la pierre élevée correspondant au fleuve jaillissant de la porte orientale du Temple. C'était d'abord un mince filet qui, en s'écoulant vers le Sud devint un torrent qu'on ne pouvait traverser, un courant d'une eau vivifiante : «Il y aura de la vie partout où arrivera le torrent» (Ez 47, 9). Une vie qui se traduit par le pullulement des poissons et la floraison d'arbres fruitiers « dont le feuillage ne se flétrira pas et dont les fruits ne s'épuiseront pas... car leur eau sort du sanctuaire. Leurs fruits serviront de nourriture et leur feuillage de remède» (Ez 47, 12). C'est vraiment la reconstitution, dans la tradition juive, de la source d'immortalité figurée par l'arbre de Vie de l'Eden et le fleuve qui arrose le jardin (Jacques Bonnet, La source de vie, Études traditionnelles, Volumes 511 à 518, 1991 - books.google.fr).

 

Bonaventure, docteur de l'Église, cardinal évêque d'Albano, est le huitième Ministre général de l'Ordre des Frères-Mineurs (1221-1274). On a nommé saint Bonaventure le Docteur seraphique. Quelques-uns donnent aussi le nom de seraphique à l'Ordre de saint François.

 

"eschappez" d'un latin excappare, perdre sa chappe en s'enfuyant (Dictionnaire d'étymologie, Larousse, 1969). La chappe est une pièce de l'habit religieux. On pourrait penser à des moines défroqués.

 

Capucins en France

 

Charles, cardinal de Lorraine, rĂ©putĂ© grand orateur, tentait de convaincre ses adversaires par la parole mais, en 1561, Ă  Poissy, en compagnie du gĂ©nĂ©ral des jĂ©suites, le père Lamez, il avait argumentĂ© en vain et le ressentit comme un Ă©chec. PrĂ©sent Ă  la 17° session du concile de Trente, en 1562, il y fit la connaissance de quatre pères capucins italiens qui y avaient Ă©tĂ© envoyĂ©s en tant que juristes, thĂ©ologiens, prĂ©dicateurs controversistes de grand talent et saine doctrine. La simplicitĂ© de leur maintien n'empĂŞcha pas le fastueux cardinal d'apprĂ©cier hautement le plaisir de s'entretenir avec eux et il lui parut que les capucins pourraient ĂŞtre, en France, la meilleure arme contre l'hĂ©rĂ©sie. En effet, la saintetĂ© de leur vie, leur pauvretĂ©, le dĂ©pouillement de leurs offices, leur attachement Ă  la doctrine et Ă  la pratique de l'Évangile constitueraient la meilleure rĂ©ponse aux critiques couramment formulĂ©es contre le cumul des bĂ©nĂ©fices, la non-rĂ©sidence, les indulgences, la pompe des cĂ©rĂ©monies, les gloses entourant les saintes Écritures. Il rencontra peu après leur vicaire gĂ©nĂ©ral et lui proposa l'idĂ©e d'un Ă©tablissement en France, Ă  Meudon dont il Ă©tait le seigneur. Et, sur le champ, il lui fit le don verbal d'un domaine situĂ© dans son parc et l'invita, quand les circonstances s'y prĂŞteraient, Ă  envoyer en France deux capucins «s'informer des lieux et des personnes». La chose se fit en 1566, les religieux restèrent deux ans Ă  Meudon, logĂ©s dans une tour près du château, et prirent les contacts nĂ©cessaires. L'expĂ©rience fut concluante mais il restait un obstacle Ă  abattre : une bulle papale de 1537 interdisait Ă  l'ordre de s'Ă©tablir hors d'Italie. Le cardinal, dès lors, multiplia les dĂ©marches. Parallèlement, et après bien des dĂ©boires, un jeune religieux français, franciscain observantin, Pierre Deschamps, Ă©tablissait Ă  Picpus un petit ermitage qu'il espĂ©rait rĂ©unir Ă  la famille capucine. Au terme de longues difficultĂ©s, il rĂ©ussit Ă  intĂ©resser Ă  son projet la reine Catherine de MĂ©dicis. On Ă©tait alors en 1574 et, cette annĂ©e-lĂ , dĂ©cisive pour les capucins de France, le pape GrĂ©goire XIII rĂ©voqua la bulle de 1537, la reine installa les picpuciens, devenus capucins, au faubourg Saint-HonorĂ© (fin juillet) et, dĂ©but aoĂ»t, le cardinal mena le commissaire gĂ©nĂ©ral prendre possession d'un domaine de 40 arpents dans le parc de Meudon. Des capucins venus d'Italie encadrèrent ces jeunes fondations logĂ©es tant bien que mal dans des locaux existants en attendant la construction de bâtiments conventuels. La faveur royale qui avait permis la crĂ©ation du couvent parisien fit prĂ©valoir son antĂ©rioritĂ©, mais jusqu'au bout, jusqu'aux heures sombres de la RĂ©volution oĂą il faudra abandonner Meudon, les capucins se souviendront que c'Ă©tait lĂ  le lieu de leur premier sĂ©jour et considĂ©reront le cardinal de Lorraine comme leur premier bienfaiteur et l'introducteur de leur ordre en France. Contrairement Ă  ce qui a pu ĂŞtre Ă©crit, un premier groupe de capucins s'installa Ă  Meudon dès 1574, et non pas dans la tour de Ronsard, exigĂĽe et proche du château, qui avait abritĂ© les deux pionniers, mais sur le lieu mĂŞme de leur fondation. Il y avait lĂ  une «maison, estables, cour, jardin, parc, coulombier, le tout en un pourpris et clos de murs et fossĂ©s, appelĂ© le lieu des Cottignys, contenant 40 arpents de terre ou environ» (ce clos, acquis par le cardinal en 1554, Ă©tait une ancienne propriĂ©tĂ© des dames de Port-Royal). Une anecdote confirme la chose : en juillet 1575, le couvent n'Ă©tant pas encore «terminĂ© et accommodé», une pauvre femme entra dans le jardin pour y cueillir de l'herbe ou quelque chose de semblable. Les capucins, anxieux de savoir s'ils avaient encouru les censures par suite de cette intrusion d'une femme chez eux, s'adressèrent au nonce pour en avoir absolution. Le nonce, rĂ©fĂ©rant la chose au cardinal SecrĂ©taire d'Etat, ajouta : «pour moi, je ne vois en eux que des hommes de bien et d'excellents religieux». Le couvent eut très vite la malchance de perdre ses deux parrains : le cardinal de Lorraine trĂ©passa en dĂ©cembre 1574 et, deux mois plus tard, le P. Pacifique de San Gervasio, Ă  qui il avait fait remise des lieux. Mais le P.  Denis de Milan, nommĂ© gardien de Meudon dès l'acte de fondation, en assura la direction deux ans durant, tandis que s'Ă©difiait le couvent, conformĂ©ment aux dispositions du dĂ©funt cardinal (Le couvent des Capucins Ă  Meudon, Paris et Ile-de-France, Volume 48, 1997 - books.google.fr).

 

Le chapitre de 1564 avait mis fin à l'ancien régime capucin qui, en vertu des constitutions d'Albacina de 1529, défendait d'ériger dans l'Ordre des études officielles et conformément aux décisions du concile de Trente, l'institution d'études régulières de philosophie et de théologie. En 1575, l'orientation définitive des études avait été décidée. Il semble toutefois que nous nous trouvions avec les décrets de 1564 et 1573, en face de l'organisation pratique et consacrée d'études qui étaient d'usage avant ces dates. D'autre part, dès 1536, les constitutions de l'Ordre veillèrent à ce que des maisons d'études soient fondées. Quel était l'esprit des études religieuses en 1581 ? Les capucins étaient attachés de préférence à saint Bonaventure bien que son étude ait été abandonnée par ordre des Supérieurs généraux venus de l'observance.

 

Dès 1569, l'on constate déjà que les capucins sont considérés comme des bonaventuriens résolus. Le Chapitre de 1577 exhortait les lecteurs et les étudiants à suivre en théologie la doctrine de saint Bonaventure. Le mérite d'avoir entraîné l'Ordre dans cette direction revient au premier directeur du studium général de Rome, Jérôme de  de Pistoia. Avant de se faire capucin il avait déjà étudié les œuvres du Docteur séraphique, et quand il reçut la charge du nouveau collège il instaura la méthode et la doctrine de saint Bonaventure. C'est lui qui imagina la première édition des œuvres du maître oublié, sous le patronage de saint Pie V.

 

En 1588 [...], le Pape Sixte-Quint mit saint Bonaventure au rang des docteurs de l'Eglise et commanda d'enseigner sa doctrine, à côté de celle de saint Thomas. Dans les constitutions des frères mineurs figurait Duns Scot. Par opposition, les capucins adoptèrent bientôt les enseignements des docteurs séraphique et angélique, et dès le commencement du 17e siècle on pouvait écrire qu'ils "avaient de très bonnes études où saint Thomas et saint Bonaventure sont interprétés" (M. Dubois-Quinard, Laurent de Paris: Une doctrice du pur amour en France au début du XVIIe siècle, 1959 - books.google.fr, Lazaro Iriarte, Histoire du franciscanisme, traduit par Marcel Durrer, 2004 - books.google.fr).

 

Meudon

 

Pour comprendre Rabelais, il faut se le représenter comme un Franciscain en rupture de ban. L'épitaphe de haute graisse que lui décocha comme une flèche Ronsard correspond, hélas ! à la réalité. Rabelais finit exclu comme indigne de son bénéfice curial de Meudon. Il avait répudié la scolastique, s'était apparenté à Lefèvre d'Etaples et à Erasme. Il refusa l'engagement calviniste. Son Dieu est sinon celui du christianisme, du moins celui de Roger Bontemps (Matthieu-Maxime Gorce, L'escalade des siècles, 1967 - books.google.fr).

 

Pierre de Ronsard, âgé de vingt-neuf ans, lorsque Rabelais fut nommé curé de Meudon, était déjà dans les bonnes grâces de Charles de Lorraine, seigneur du lieu. Celui-ci l'y logea dans la Tour dite de Ronsard mais seulement en 1558-1559 après la mort de Rabelais. Ronsard n'était pas en bonne intelligence avec Rabelais.

 

En 1551, Charles de Lorraine fait octroyer à Rabelais par le cardinal Jean du Bellay, cousin de Joachim, la cure de Meudon, afin de l'avoir à ses côtés. Le cardinal avait acheté le château de Meudon à Anne de Pisseleu, duchesse d'Etampes.

 

Ronsard écrivit une Epitahe de François Rabelais où apparaît la canicule :

 

...Mais quand l'ardente Canicule

Ramenoit la saison qui brûle,

Demi-nus se troussoit les bras,

Et se couchoit tout plat Ă  bas

Sur la jonchée * entre les tasses,

Et parmy des escuelles grasses

Sans nulle honte se toĂĽillant,

Alloit dans le vin barboĂĽillant

Comme une grenouille en la fange... (Paul Lacroix, Oeuvres choisies de Pierre de Ronsard, 1841 - books.google.fr).

 

Dans le Livre IV, chap. 51 de Pantagruel, Rabelais fait cĂ©lĂ©brer par l'Ă©vĂŞque des papimanes Homenaz, les DĂ©crĂ©tales en les dotant d'adjectifs excessifs : «O seraphicque Sixième !... O cherubicques Clementines !... O Extravaguantes angelicques !...» Le Seraphicque Sixiesme serait le Sixième livre des DĂ©crĂ©tales, ajoutĂ© aux cinq premiers par Boniface VIII.

 

L'activité critique du seizième siècle apporta aussi aux recueils canoniques de notables corrections. L'exemple fut donné dans les éditions d'Antoine Demochares, qui compléta par des indications plus précises les citations trop vagues placées en tête des divers textes du décret, corrigea d'après de plus anciennes collections de décrétales le texte dudit recueil et de celui de Grégoire IX et l'annota de beaucoup de variantes. Ensuite vint Charles Dumoulin, qui annexa à beaucoup de textes des apostilles critiques et chiffra, comme on avait déjà fait aux décrétales, les divers textes du décret à l'exception seulement des Paleae. Ce progrès fut suivi de l'édition de Leconte, livrée à l'impression dès 1556, mais publiée seulement en 1569, où à l'aide des recueils antérieurs encore inédits de décrétales on a réintégré dans les diverses décrétales, particulièrement au recueil de Grégoire IX, les textes omis par Raymond de Pennafort (Partes decisae). Suivant l'impulsion scientifique de cette époque Pie IV nomma vers 1563 pour le perfectionnement des recueils une congrégation spéciale de cardinaux et savants dont les vastes travaux ont été terminés sous Grégoire XIII en 1580 et publiés dans une nouvelle édition authentique où la glose même fut conservée. Nombre d'éditions publiées depuis ont pour base cette édition romaine. Seulement on ya joint encore deux suppléments; l'un comprend les Institutes de Lancelotti, composées par ordre de Paul IV, Institutes que Paul V, au commencement du dix-sep1ième siècle, permit d'annexer aux sources pour en faciliter l'intelligence; l'autre est un recueil privé publié en 1590 sous le titre de Liber septimus Decretalium, par Pierre Matthieu de Lyon, et contenant les nouvelles Extravagantes jusqu'à Sixte V (mort en 1590). Du reste les scrupuleux efforts des correcteurs romains ne purent faire qu'il ne restât encore, notamment dans le décret, bien des fautes qui ont été en partie signalées dans des dissertations spéciales en partie corrigées dans de nouvelles éditions critiques, mais d'une manière incomplète. Les tables enfin forment un accessoire utile. On en voit de bonne heure paraître de différentes sortes; les plus importantes sont celles de Pierre Guenois, quatre pour le décret et trois pour les décrétales, offrant d'après l'exemple de Demochares l'indicâtion des sources de tous les textes insérés dans ces recueils (Ferdinand Walter, Manuel du Droit Ecclesiastique de toutes les confessions chretiennes, 1810 - books.google.fr).

 

cf. les quatrains VI, 1 et VI, 2.

 

Au dessert du premier mets, feut par elles [de jeunes filles] melodieusement chanté ung epode a la louange des sacrosainctes decretales. (Pantagruel, Livre IV, chap 51). "Epode. vne espece de vers comme en a escript Horace" explique la "Briefve declaration" (M. Esmangart, Éloi Johanneau, Œuvres de Rabelais, Tome 7, 1823 - books.google.fr).

 

On lit le glossaire "Briefve Declaration" souvent réimprimé à la suite d'un certain nombre d'exemplaires de l'édition de 1552 et de tous ceux de l'édition de 1553. On l'attribue en général à Rabelais, mais non sans précautions (R. Arveiller, La BRIEFVE DECLARATION est-elle de Rabelais, Etudes rabelaisiennes, Tome V, 1964 - books.google.fr).

 

L'on sait aussi que Rabelais aimait à jouer sur son nom et à le mettre en rapport avec la rage : il se plaisait à lire à la place de «Rabe-lais», Rabie laesus («frappé par la rage»). En outre, les hommes, ainsi frappés d'hydrophobie au moment de la naissance de Pantagruel, sont amenés à consommer du vin, dans une « cave bien fresche et bien garnie », ce qui évoque les liens étroits qui unissent Sirius, la vigne et le et le vin. Le sort de la vigne est lié au lever du Chien et divers mythes antiques, en particulier celui d'Icarios et Érigonè (et de la chienne Maira) associent la découverte du vin à la Canicule. Et, pour ceux qui n'avaient pas encore compris que Pantagruel était né lors du lever de Sirius, au moment où aboie la chienne d'Icarios, Rabelais donne la solution de l'énigme dans l'avant-dernier chapitre du Tiers Livre : « Pantagruel, estoit autant grand que l'herbe dont je vous parle ("le Pantagruélion"), et en  feut prinse la mesure aisément, veu qu'il nasquit on temps de l'altération, lorsqu'on cueille ladicte herbe et que le chien de Icarus, par les aboys qu'il faict au soleil, rend tout le monde troglodyte et constrainct habites caues et lieux subterrains». C'est, à l'évidence, le lever du Chien (d'Icarios) qui est ici mentionné, mis en rapport avec le temps où l'on récolte le «pantagruélion», c'est-à-dire le chanvrelin, plante textile que l'on cueille en plein cœur de l'été, en pleine période de Canicule.

 

L'expression rabiosum signum («astre enragé») figure dans un des manuscrits des Satires d'Horace (I, 6, 126), pour désigner la Canicule. Sirius est l'«astre rabique». Pline, VIII, 152 : Rabies canum Sirio ardente homini pestifera  (Odile Ricoux, "Temps, père de vérité" : Rabelais et le temps, Elle est retrouvée! Quoi? L'éternité !, 2003 - books.google.fr).

 

Dans un ordre en apparence plus sĂ©rieux, n'avait-on pas entendu le chantre du chanvre s'Ă©crier : «Celeste Pantagruelion !», «SacrĂ© Pantagruelion», « Seul Pantagruelion» ? Le ravissement outrĂ© n'est donc pas le propre du papimane ; en fait, il appartient Ă  tout panĂ©gyriste emportĂ© par son sujet. Pandettisme, panchanvrisme, pangastrisme et pandĂ©crĂ©talisme seront cĂ©lĂ©brĂ©s avec la mĂŞme «ecstaticque Ă©lĂ©vation» d'esprit. Panurge, Alcrofrybas et Homenaz se sentent emportĂ©s progressivement dans le tourbillon ascendant de leur admiration, voire «jusques au troizieme ciel» (François Rigolot, Les langages de Rabelais (1972), 1996 - books.google.fr).

 

Concile de Trente

 

L'assemblée se réunissait du côté du chœur, et c'est seulement pour la 23° session (15 juillet 1563) qu'elle siégea dans le bas de l'église, à cause des fortes chaleurs. Les congrégations générales ne se réunirent plus au palais Giroldi maintenant trop petit, mais d'abord au palais de Thun, où résidait le cardinal de Mantoue, premier président, puis à Sainte-Marie-Majeure et par exception à la cathédrale (Joseph Lecler, Trente, Tome 2, 1981 - books.google.fr).

 

La canicule s'était désormais installée à Trente pour les mois d'été et le concile allait prendre quelques mois de repos jusqu'aux premiers jours du mois de septembre. Dimanche 25 juillet, toute la nuit et samedi, nous avons eu d'importantes bourrasques de pluie accompagnées de vent avec beaucoup de fraîcheur, ce qui est assez étonnant surtout en ces jours de chaleur caniculaire (Bernard Ardura, Nicolas Psaume, 1518-1575: évêque et Comte de Verdun : l'idéal pastoral du Concile de Trente incarné par un prémontré, 1990 - books.google.fr).

 

"eschappez"

 

Le passage au calvinisme du vicaire général, Bernardino Ochino, en 1542, provoque une terrible réaction de Paul III. Le cardinal Sanseverino réussit à sauver l'Ordre. Après une longue et minutieuse enquête, les Capucins sont autorisés, en 1545, à reprendre leurs prédications. L'interdiction de recruter hors d'Italie, portée par Paul III, en 1537, n'empêchait pas le développement de l'ordre (Paul Christophe, L'Eglise dans l'histoire des hommes: Du XVe siècle à nos jours, 1982 - books.google.fr).

 

En 1537, la bulle Regimini universalis Ecclesiae interdisait leur retour Ă  l'Observance, mais aussi toute implantation hors d'Italie.

 

Le pape leur accorde donc le droit de s'établir, avec les mêmes facultés, immunités et privilèges que ceux dont ils jouissent en Italie, dans le monde entier, et plus spécialement en France, pour faire l'établissement de l'Ordre, ainsi que le demande Sa Majesté. Le P. Vicaire général choisit comme commissaire général le P. Pacifique de San Gervasio, prédicateur de la province de Brescia, qui avait été provincial de la province de Venise, commissaire général dans les Pouilles et dans l'île de Crète. Il lui donna tous pouvoirs pour choisir tels religieux qu'il jugerait propres et convenables à l'aider en cet emploi. Le P. Pacifique choisit comme compagnons les PP. Jérôme de Milan, gardien du couvent de Milan; Clément de Naples, gardien du couvent d'Arezzo, en Toscane; Antoine de Pise; François de Briga, de la province de Gênes; Louis de Flandre; Léandre de Venise, et bien entendu le P. Pierre Deschamps. Presque tous ces Pères avaient la qualité de prédicateur; il y ajouta un autre français, encore clerc, dénommé Fr. Louis de Tours et deux frères lais, dont l'un, Fr. Petronius de Bologne, avait été chevalier de Malte. Le P. Pacifique et ses compagnons n'empruntèrent pas le même itinéraire que le P. Denis et le Fr. Remy (Pierre Dubois, Les Capucins italiens et l'établissement de leur ordre en France, Collectanea franciscana, Volumes 44 à 45, 1974 - books.google.fr).

 

Les historiens de l'ordre des Capucins s'accordent à dire que le cardinal Charles de Lorraine, archevêque de Reims, ramena du concile de Trente, en 1563, plusieurs Capucins, qu'il établit dans sa propriété de Meudon. Ces religieux y remplirent l'office d'aumôniers du cardinal, sans songer un établissement définitif, parce qu'une bulle de Paul III, du 5 janvier 1535, rendue à la prière des Observantins, défendait aux Capucins de sortir d'Italie. Après un séjour de deux ans à Meudon, les Capucins italiens retournaient dans leur patrie, mais laissaient en France de puissants protecteurs, au nombre desquels nos Annales citent Charles IX, Catherine de Médicis, Charles de Lorraine, Aymeric de Rochechouart, évêque de Sisteron, etc. (Bulletin de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile-de-France, Volume 16, 1889 - books.google.fr).

 

Les historiens anciens disent que quatre capucins italiens accompagnèrent le cardinal de Lorraine après le concile de Trente. Ils confondent peut-être avec les quatre que Charles de Lorraine y rencontra (Histoire de la ville de Paris, composee par D. Michel Felibien, reveue, augmentee et mise au jour par D. Guy-Alexis Lobineau, Tome 1, 1725 - books.google.fr).

 

Avec les "deux religieux italiens" qui "s'installent en 1566 sur la colline de Meudon tout près de Paris, dans la «tour de Ronsard»", on en aurait 6 (calcul sans garantie).

 

Recacatholicisation

 

L'édit d'Amboise du 19 mars 1563 a au reste accordé aux huguenots la liberté de culte, certes limitée, ce qui constitue un obstacle de plus sur la voie déjà malaisée qui mène à la concorde: si deux Eglises rivales sont tolérées, comment imaginer que les membres de l'une et de l'autre rechercheront honnêtement à se réconcilier les uns avec les autres ? La recherche de la concorde repose sur l'idéal d'une union fondée sur le cœur même de la foi chrétienne, comme l'expose le Memorandum de 1561 et comme le souhaitent, on l'a vu, Bauduin ou Cassander. La Réforme est nécessaire dans la mesure où elle permettrait à chacun de retrouver sa place au sein de la Véritable Eglise Catholique e (cette «Eglise ancienne ou moyenne» dont parle Claude d'Espence), sans reniement, sans abjuration  sans honteuse cérémonie de réintégration supposant pénitence et absolution. L'union suppose la conversion des fidèles des deux côtés. En revanche, la nouvelle situation qu'instaure l'édit d'Amboise entraîne une logique irénique radicalement différente: ce n'est plus l'«union» qui est recherchée, mais bien la «réunion» de ceux de l'autre Eglise à celle à laquelle on adhère de sens de ce terme, qui ne désigne plus tant une expérience spirituelle individuelle qu'un passage effectif à une confession qu'on reconnaît comme la Véritable Eglise. Cette nouvelle logique irénique n'est pas celle de Charles de Lorraine ni des autres promoteurs du colloque de Poissy. Les historiens ont souvent eu tendance à négliger ce fait et à penser Poissy sous le registre de la «réunion», non de l'«union»: l'entreprise relève dès lors de la gageure, elle apparaît d'emblée comme proprement impossible puisque, comme le remarque Noël Valois, «en matière doctrinale, les passions ne s'affrontent que pour mieux s'étreindre et s'étouffer» ! Le commentaire est bien représentatif de tout un courant historiographique. On comprend que, dans ces conditions, le cardinal ait dès lors cessé d' œuvrer en vue d'une concorde devenue improbable (Thierry Wanegffelen, Ni Rome ni Genève: Des fidèles entre deux chaires en France au XVIe siècle, 1997 - books.google.fr).

 

L'appel des capucins par Charles de Lorraine correspond à ce changement d'attitude. Avec les jésuites et d'autres ordres, ils furent chargés de recacatholiciser les régions qui avaient été gagnées par le protestantisme, et, comme dans l'empire habsbourgeois, reconquises sur les Ottomans.

 

Un exemple de leur rôle se place dans les années du règne de Louis XIII, dès avant la Révocation de l'Edit de Nantes.

 

Marcillac, demanda à Louis XIII, de passage à Nîmes, d'établir à Florac un couvent de huit capucins chargés de recatholiciser la ville et la partie cévenole du Gévaudan. Aussitôt installés, les capucins obtinrent la démolition qui avait malencontreusement été bâti sur les ruines de l'église catholique primitive. Les pierres des murailles condamnées par la paix d'Alès servirent à la construction de la nouvelle église catholique. Après le temple, les capucins commencèrent à livrer aux pasteurs une lutte sans merci (Patrick Cabanel, Itinéraires protestants en Languedoc du XVIe au XXe siècle: Les Cévennes, Tome 1, 1998 - books.google.fr).

 

Typologie

 

Reportant la date de 2247 par rapport à 1563 on obtient 879. Comme dans les deux quatrains précédents Jean VIII est pape cette année.

 

La papesse Jeanne est un personnage légendaire, qui, au IXe siècle, aurait accédé à la papauté en se faisant passer pour un homme. L'imposture aurait été révélée quand elle aurait accouché en public lors d'une procession de la Fête-Dieu.

 

Jan Hus mentionne la papesse Jeanne devant le concile de Constance pour remettre en cause le principe de la primauté romaine : pour lui, Jeanne a définitivement mis fin à la succession apostolique. Il est suivi sur ce point par Calvin, puis par Théodore de Bèze qui soutient cette thèse au colloque de Poissy. De son côté, Luther témoigne avoir vu en 1510 un monument en l'honneur de la papesse, la représentant en habits pontificaux, un enfant à la main ; il conclut à l'endurcissement irrémédiable d'une papauté qui ne prend même pas la peine de détruire un tel édifice.

 

Les explications de la légende sont diverses. Le mythe fut peut-être imaginé à partir du surnom de «papesse Jeanne» donné de son vivant au pape Jean VIII pour sa faiblesse face à l'Église de Constantinople, une satire selon le cardinal Baronius (1538 - 1607) qui s'est fait l'adversaire de Mathias Flacius Illyricus, auteur, avec d'autres savants réformés, des Centuries de Magdebourg (1559 - 1574) utilisant la légende comme argument contre la papauté de Rome, de même que les fausse décrétales du Pseudo Isidore. Les deux seront liées au XVIIIème siècle par Carlo Blasco (fr.wikipedia.org - Papesse Jeanne, Dictionnaire encyclopédique de la théologie catholique, Isl - Juv, 1861 - books.google.fr).

 

Pierre Bayle parle d'un capucin, qui utilise la controverse pour fustiger l'opiniâtreté des protestants. Il s'agit de Silvestre de Laval dans Grandeurs de l'Eglise romaine (1611) (Dictionnaire historique et critique de Pierre Bayle: Dictionnaire historique et critique, Tome 11, 1820 - books.google.fr, fr.wikipedia.org - Sylvestre de Laval).

 

Lucas Osiander insinua que Grégoire XIII avait mis au monde le nouveau calendrier (1582) afin d'imiter la papesse Jeanne. Ces plaisanteries d'un goût douteux furent combattues avec esprit, en 1585, par le capucin Nas de Brixen, et en 1587, par le jésuite George Scheer, de Vienne (Emile Charvériat, La question du Calendrier en Allemagne, 1886 - books.google.fr).

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